Cet enregistrement, qui a été «sorti» à la veille du cinquième anniversaire des attentats mettra, certainement, dans la gêne les amateurs de la «théorie du complot». Un nouvel enregistrement d'Al Qaîda montre la direction de l'organisation en pleine phase de planification des attentats de New York et de Washington. Sur la cassette vidéo on peut voir Oussama Ben Laden, Ayman al Zawahiri, Ramzi Ibn al-Seiba et Mohamed Atef, c'est-à-dire les principaux meneurs et concepteurs des attaques antiaméricaines du 11 septembre 2001. L‘enregistrement, qui a été diffusé avant-hier par la chaîne satellitaire qatarie Al Jazeera, montre une image rare de OBL en train de discuter avec Ramzi Ibn al-Sheiba, actuellement en détention et considéré comme le concepteur des attentats. La nouveauté est certainement le testament lu par deux des auteurs des attentats, Waêl al Shahri et Hamza al Ghamidi, et les entraînement «sans armes» des jihadistes, avec notamment le maniement des couteaux et des canifs pour réussir une attaque (les attentats du 11 septembre ont été réussis grâce à de simples cutters). Timing précis L'enregistrement montre aussi la vie quotidienne des auteurs des attentats, des entraînements, où les arts martiaux occupent une place centrale, et des planifications d'attentats sur une carte géographique des Etats-Unis d'Amérique. Cet enregistrement qui a été «sorti» à la veille du cinquième anniversaire des attentats du11 septembre, mettra certainement dans la gêne les amateurs de la «théorie du complot», qui avaient mis en doute la véracité des attaques d'Al Qaîda, au motif que celles-ci dépassent de loin ses moyens, et crié au «complot intérieur» dont les visées restent à ce jour inconnues. OBL, en choisissant un timing précis qui coïncide avec la prise en main de la sécurité intérieure en Irak par al-Maliki, et l'attentat des Talibans en plein centre de Kaboul contre l'ambassade américaine, et qui a fait 13 morts dont des soldats américains, veut lancer des messages politiques clairs, dont le résumé serait que Washington a largement échoué dans sa lutte contre les groupes djihadistes et que les attentats du 11 septembre ont été bien l'oeuvre des membres d'Al Qaîda. La diffusion de l'enregistrement peut aussi bien signifier une nouvelle menace, à la veille du procès de membres d'Al Qaîda accusés par les Etats-Unis d'être impliqués dans les attentats. Khaled Cheikh Mohammed, le cerveau présumé des attentats du 11 septembre, Ramzi Ben al Shaiba, Abou Zoubeïda et onze autres membres d´Al Qaîda, avaient été transférés à Guantanamo pour être jugés. L'information avait été donnée par le président Bush lui-même, devant les familles de victimes des attaques du 11 septembre 2001, réunies à la Maison-Blanche, et qui ont vivement applaudi. Cela fait plusieurs années que ces suspects sont aux mains des forces américaines, qui les détiennent dans des endroits secrets. Khaled Cheikh Mohammed a été capturé en 2003, Abou Zoubeïda, un proche de Ben Laden, en 2002. Si la Maison-Blanche avait voulu les faire comparaître devant la justice, pourquoi ne l´avoir pas fait plus tôt ? Le président américain a expliqué que l´une des raisons pour lesquelles il révélait le programme de détentions secrètes de la CIA - de manière «partielle», a-t-il souligné - était que les interrogatoires des 14 hommes étaient terminés et qu´il fallait les «amener au grand jour» s´il était question de les juger. La thèse de Chomsky Chomsky est un intellectuel d'une envergure internationale, linguiste réputé, philosophe politique souvent cinglant, ce professeur au MIT proposait, dans son livre Autopsies des terrorismes, une lecture fine et en retrait des ondes de choc historiques. Ainsi, en est-il des attentats perpétrés aux Etats-Unis. La thèse développée par Chomsky au fil de ce livre est insolente, au sens propre du terme. Loin de se joindre au chorus anti-mondialiste, aux thèses catastrophistes d'«un choc des civilisations» ou à l'euphorique croyance en une «fin de l'histoire», il regarde l'Occident en face pour lui dire ses vérités. Quelles sont-elles? Pour Chomsky, aussi terribles qu'aient été les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone, ils ne doivent pas faire oublier le terrorisme pratiqué par les Etats-Unis. Car les Etats-Unis sont bien un Etat terroriste qui ne dit pas son nom. Plusieurs exemples frappants étayent cette démonstration, dans la lignée d'ouvrages tels que De la guerre comme politique étrangère des Etats-Unis (Marseille: Agone, 2001) ou Culture of Terrorism (South End Press, 1988). L'attaque américaine du Nicaragua dans les années 1980 a laissé le pays dans un état exsangue. Les Nicaraguayens, plutôt que d'envoyer des bombes en Amérique, ont saisi la Cour internationale de justice qui a statué en leur faveur, condamnant les Etats-Unis pour terrorisme international - fait inédit dans l'histoire de cette juridiction -, sans que ces derniers en tiennent compte. Le Conseil de sécurité de l'ONU a alors proposé une résolution imposant aux Etats signataires le respect du droit international. Là aussi, Washington fut le seul à y opposer son veto, réitérant ensuite ce refus à une résolution similaire votée à la majorité par l'Assemblée générale des Nations unies. Le bombardement de l'usine pharmaceutique d'Al Shifa au Soudan, sous l'administration Clinton (août 1998), en plus des victimes immédiates de l'attentat, continue de toucher la population soudanaise, l'une des plus pauvres du monde, en la privant des médications de base contre les endémies qui la touchent (tuberculose, paludisme). Ici aussi, Washington a bloqué l'enquête demandée par le Soudan aux Nations unies pour mettre en avant les raisons de ce bombardement. Au travers d'autres exemples, les divers embargos contre l'Irak, ou Cuba notamment, Chomsky rappelle que ces moyens de coercition contre des populations civiles pour atteindre, souvent au mépris du droit, des buts idéologiques, politiques ou économiques, est la définition même du terrorisme. Ce dernier n'est donc pas l'arme des faibles, mais aussi l'un des outils politiques des pays occidentaux.