Banlieues françaises. La ville de Meaux (à une trentaine de kilomètres à l'est de Paris), où réside une forte communauté algérienne et maghrébine, était, hier soir, au rendez-vous avec un nouveau meeting de la campagne électorale pour la présidentielle du 21 avril en France. Meaux (banlieue parisienne). De notre envoyé spécial L'invité est cette fois-ci particulier. Il s'agit de l'ex-ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, candidat de l'UMP à l'Elysée. 17h15, le train en provenance de la gare de l'Est marque son arrêt à la station de Meaux. La sortie de la gare est quadrillée par un important dispositif de sécurité mis en place pour la circonstance. Même décor dans tous les coins de cette paisible ville : à chaque carrefour, il y a un groupe de policiers qui monte la garde afin de permettre au candidat « mal aimé » des immigrés de réussir son défi, en l'occurrence celui d'aller à la rencontre de cette partie de la société qui, dit-on, lui voue une « haine sans mesure ». Assailli de critiques par ses rivaux qui lui reprochent d'avoir peur de visiter « les quartiers chauds », le candidat de la droite devait alors prouver le contraire. Pour ce faire, il lui fallait apporter du concret et expliquer ses précédentes déclarations. Les mots « racaille », « voyous » et « Kärcher » sont toujours dans les mémoires des jeunes. Ici, le candidat n'est pas aimé. « Sa politique est trop agressive et divise les Français catégorie par catégorie. Il n'a pas changé depuis les derniers événements des banlieues. Pis encore, sa politique consacre l'exclusion », a affirmé Karim Belarbi, jeune Algérien venu écouter le candidat qui devait animer un meeting à 18h à la salle des fêtes, sise au centre-ville. Le jeune, accompagné par son cousin Mohammed, a précisé qu'« aucun candidat ne lui inspire confiance » et que sa présence au meeting de Sarkozy n'a d'objectif que d'assouvir sa curiosité. Les Algériens et les Maghrébins de Meaux, selon Maouchi Mohamed, un Algérien installé dans la région depuis 1962 et retraité, n'apprécient pas le candidat. Le candidat à la rencontre des jeunes des quartiers « Tous les jeunes Maghrébins sont contre lui », nous a-t-il expliqué. « Sarkozy est un danger pour la République. Il veut renouer avec les pratiques les plus sombres de l'histoire de France. Il ne représente pas un espoir pour les jeunes. Les gens que vous voyez ici sont une minorité en France », a attesté pour sa part Rachid, étudiant en fin de cycle à l'université des sciences politiques de Paris. Le jeune est membre de l'association Voter Banlieues, militant pour une participation massive de la population des banlieues à cette élection. Sans le prévoir, Nicolas Sarkozy est allé faire une tournée à Beauvil, un quartier peuplé par de nombreux immigrés, avant de revenir dans la salle des fêtes de Meaux pour tenir sa rencontre publique. Il ne s'attendait pas à un cadeau et il ne l'a pas eu. Sarkozy a eu droit, en revanche, à une avalanche d'interrogations liées notamment à ses précédents propos sur l'immigration et sa politique envers les Français d'origine étrangère. Des questions auxquelles il a tenté de répondre tant bien que mal avant de revenir rencontrer ses nombreux partisans, transportés, des heures auparavant, par bus vers le lieu de la rencontre. Dans un discours prononcé devant une assistance acquise à sa cause, le candidat de la droite a tenu, d'emblée, à se désengager de la politique du chef de file de l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen. Sarkozy est revenu sur l'immigration et l'histoire. Le patron de l'UMP à la présidentielle est apparu ainsi peu enclin à se départir de la philosophie et des motivations qui ont conduit à l'adoption de la loi française du 23 février 2005, glorifiant le colonialisme. « Je serai le président qui assumera entièrement l'histoire de France », a-t-il clamé sous un tonnerre d'applaudissements. Dans la foulée, le candidat évoque l'Algérie et le passé colonial français. Selon l'orateur, le système colonial est certes injuste, « mais il ne faut pas assimiler les gens ayant servi la France à ce système ». « On ne peut pas assimiler tous ceux qui ont travaillé pour la République à ce système. Je pense aux harkis et à toutes les personnes qui enseignaient, cultivaient la terre, construisaient des usines… en servant la France », a-t-il lancé. L'ex-ministre de l'Intérieur français est allé plus loin en se déclarant ouvertement contre la repentance. « Je déteste cette mode de la repentance qui exprime la détestation de la France et de son histoire, qui est la porte ouverte à la concurrence des mémoires, qui dresse les Français les uns contre les autres en fonction de leurs origines... Cette mode est un obstacle à l'intégration, parce qu'on a rarement envie de s'intégrer dans ce que l'on a appris à détester », a-t-il soutenu. Sarkozy s'est prononcé aussi contre la régularisation globale des sans-papiers, tout en mettant des garde-fous pour l'immigration. Selon lui, un postulant à l'immigration n'est pas le bienvenu s'il ne répond pas à certains critères : « Respecter les valeurs de la République, parler français et avoir un logement et un travail pour faire venir sa famille. » Les droits de l'homme, a-t-il ajouté, ne sont pas négociables et, par ricochet, il n'y a pas de place en France pour la polygamie, l'excision, le mariage forcé, le voile à l'école et la haine de la France. « Celui qui n'aime pas la France n'est pas obligé d'y vivre », a-t-il dit. Le candidat n'a pas, semble-t-il, divorcé avec son ancienne politique. Cette politique est, toutefois, partagée par certains immigrés. C'est le cas de Skaff Yamina. Vivant depuis longtemps à Meaux, cette Algérienne mariée avec un Libanais estime que les jeunes issus de l'immigration « sont manipulés et n'ont rien saisi des messages lancés par Sarkozy ». Le même avis est soutenu par Latifa Arbi, élue UMP à la municipalité de Meaux. Originaire de Sidi Aïch (Béjaïa), elle insiste sur le rôle des parents dans l'éducation des enfants. « Les parents sont démissionnaires », a-t-elle précisé.