Les banlieues constituent un des enjeux majeurs – des voix à capter – de cette campagne présidentielle, après les émeutes de 2005 et l'inscription massive des habitants de ces quartiers, particulièrement les jeunes, sur les listes électorales. Les candidats et leurs états-majors multiplient promesses et manœuvres de séduction. Les intéressés observent le manège, conscients du poids qu'ils représentent. Attendu en banlieue, Nicolas Sarkozy a fini par s'y rendre. Un rendez-vous très encadré. Le candidat de l'UMP à l'Elysée, Nicolas Sarkozy, a longtemps hésité à se rendre au rendez-vous de la cité Beauval, à Meaux, tenu secret par son entourage, où il est arrivé avec plus d'une heure et demie de retard, précédé par sa porte-parole Rachida Dati et le ministre délégué au Budget Jean-François Copé, maire de Meaux. « Kärcher », « racailles », « moutons égorgés dans la baignoire », « discrimination positive » : Nicolas Sarkozy a dialogué pendant une heure vendredi avec plus d'une centaine d'habitants d'une cité de Meaux, invité par deux associations de banlieue, Energie citoyenne et Esprit sportif. Nicolas Sarkozy s'explique : « J'ai bien l'intention de continuer à dire qu'un voyou est un voyou et qu'une racaille et une racaille mais je n'ai jamais dit que tous les jeunes d'Argenteuil étaient des voyous ou des racailles. » « Nous avons des abattoirs, des vétérinaires ». « Quand je vous écoute à la télé, j'ai envie de vomir », lui dit un homme. « Vous commencez vos discours par les femmes battues, le mouton égorgé (...) Moi je suis musulman, je suis intégré, mais vous, vous êtes en train de créer la séparation entre les gens (...) Vous ne parlez que des choses mauvaises aux gens, vous faites peur aux gens ! » Nicolas Sarkozy réplique : « Vous vous permettez de me faire des reproches qui sont une caricature aussi violente que la caricature du président du Front national à mon endroit ». « Je suis à gauche, mais je crois que vous êtes un démocrate. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui vous diabolisent », lui a affirmé Karim Zeribi, président du Parlement des banlieues et de l'association Agir pour la citoyenneté avant de l'interpeller vivement. « Nous n'égorgeons pas de moutons dans la baignoire » lors de fêtes religieuses musulmanes. « Nous avons des abattoirs, des vétérinaires », lance-t-il, déclenchant des applaudissement dans la salle. L'ex-ministre de l'Intérieur est aussi interpellé sur les contrôles policiers au « faciès », la nomination de préfets musulmans, son projet de politique « d'immigration choisie ». Nicolas Sarkozy promet que s'il est élu président, il mettra en œuvre un « plan Marshall 2 », en faveur des 250 000 jeunes des cités, opérationnel dès le « 1er janvier 2008 », pour que tous aient « une formation, une qualification, un emploi. » Ségolène Royal a estimé lors de la neuvième session du Parlement des quartiers populaires, à Villeurbanne, fin mars, que la banlieue n'était pas un problème, mais « une grande partie de la solution. » « Il y a dans les quartiers un réservoir d'énergie extraordinaire dont on ne peut pas se passer », a lancé la candidate socialiste devant près de 2000 participants. « La banlieue est une solution pas un problème », dit Ségolène Royal Ségolène Royal a décliné ses propositions pour la banlieue tout en précisant qu'elle avait la vision « d'une République globale » et qu'il n'y avait pas, dans son pacte présidentiel, « de chapitre consacré aux quartiers populaires ». La candidate socialiste a placé l'école dans ses priorités en promettant que la prochaine rentrée « se ferait avec les moyens qui lui ont été retirés pendant les cinq ans de gouvernement de droite », mais également en prônant « un soutien scolaire gratuit et individualisé pour tous. » Pour favoriser l'emploi des jeunes, Ségolène Royal envisage, si elle est élue, de rendre obligatoire le recrutement de jeunes pour les entreprises qui reçoivent des fonds publics. Karim Zeribi, le leader du mouvement Agir pour la citoyenneté, organisateur du Parlement des banlieues, avait prévenu en introduction : « Nous avons le cœur à gauche, il n'y a pas d'ambiguïté, mais notre vote n'est pas acquis ». Le Pen à Argenteuil C'est par surprise que Jean-Marie Le Pen s'est rendu à Argenteuil. Le leader d'extrême-droite a rencontré durant 45 mn les riverains de la « dalle », depuis laquelle Nicolas Sarkozy s'en était pris aux « racailles » à l'automne 2005. « Je veux prouver que pour le Front national il n'y a pas de zone de non-droit », a expliqué le candidat du FN, avant de remercier les habitants de l'autoriser à s'exprimer « là où même pas notre ancien ministre de l'Intérieur n'ose se rendre ». « Vous êtes tous des Français à part entière », a poursuivi le leader d'extrême-droite, qui s'en est ensuite pris – sans le citer – à Nicolas Sarkozy : « Si certains veulent vous karchériser pour vous exclure, nous voulons, nous, vous aider à sortir de ces ghettos de banlieue où les politiciens français vous ont parqués pour vous traiter de racaille par la suite ». Le pacte républicain de Bayrou Le leader centriste, François Bayrou, prône pour les quartiers un plan de lutte de longue durée, « un grand projet d'union nationale ». Il veut agir pour le logement social, favoriser la mixité, donner priorité à l'éducation, nommer des sous-préfets dans les banlieues et établir un service civique de six mois. « Partout en France, quel que soit le quartier, nos enfants auront droit à rencontrer le même niveau d'excellence que dans les quartiers huppés » a-t-il indiqué. Avant de qualifier la situation des banlieues de « plus grand échec de la France ». François Bayrou préconise un « nouveau contrat social et républicain » qu'une fois « élu président de la République », il mettra en œuvre.