Mohamed Harbi a donné une conférence sur Frantz Fanon intitulée « Le fanonisme et le sujet de la révolution algérienne », hier, à l'hôtel Royal, à l'invitation de l'institution Avempace (Ibn Badja) qui organise, pour sa première sortie publique, un colloque de haute facture sur le parcours et les idées développées par celui qui est souvent présenté comme le théoricien de la Révolution algérienne. Avant d'entamer son intervention, l'historien a d'abord indiqué qu'il a eu à travailler avec Frantz Fanon en Afrique occidentale lorsque lui était chef de mission en Guinée, alors que le psychiatre était au Ghana. Il a proposé une lecture critique sur les idées développées sur la paysannerie et le monde rural et le rôle que celui-ci a joué pendant la révolution. Mais il lui fallait non seulement proposer sa propre définition du populisme mais aussi donner un aperçu sur l'évolution du mouvement national et montrer que Fanon était à la fois un acteur et un observateur de la scène politique algérienne, ce qui a permis à ce dernier de développer son argumentaire. Par populisme, Harbi entend un rapport social avec le peuple, cette dernière notion pouvant revêtir de son côté plusieurs sens : alliance des classes opprimées ou une stratégie politique comme ce fut le cas pour le PPA (Parti du peuple algérien). Pour l'historien, ce parti a imposé l'entrée dans la politique des classes populaires. Mais les argumentaires engendrés par le populisme ayant eu pour conséquence le souci de « réhabiliter le peuple en l'idéalisant » ont des aspects négatifs comme l'occultation des traditions culturelles ancrées et une éducation religieuse qui ne va pas forcément dans le sens de la modernité et de la démocratie. Il cite également une conséquence fâcheuse avec la stigmatisation des intellectuels sous prétexte que ces derniers sont venus en retard à la révolution. Au sujet du monde rural, il dira que son isolement et les clans de type familiaux qui y régnaient ont fait que celui-ci n'a pas produit de mouvement social depuis l'insurrection de 1871. Pour lui, il n'y a pas eu de véritables mouvements paysans et la réflexion autour du rôle de la paysannerie en période de guerre a été surtout en référence à l'Asie. « Le monde rural a été largement prolétarisé et la guerre a accentué cette tendance », relève-t-il en spécifiant que cet aspect n'a pas été pris en compte dans les analyses. « Il y a eu une confusion entre la question paysanne (réforme agraire, par exemple) et le mouvement paysan », ajoute-t-il. Ce qui l'amène à la conclusion suivante : la paysannerie s'est forgée des idées de son avenir au sein de l'ALN.