Comment penser le monde actuel à partir de l'auteur des Damnés de la Terre ? Le siège de l'Unesco, à Paris, accueillera, dès demain, un colloque de deux jours consacré à Frantz Fanon. Organisée dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de la philosophie, cette rencontre intitulée « Penser aujourd'hui à partir de Frantz Fanon » est organisée par le Centre de sociologie des pratiques et des représentations politiques de l'université : Paris Diderot avec le soutien des fondations La Ferthé et Frantz Fanon. Plusieurs « angles » du personnage seront abordés en quatre sessions. La première « agir et penser les révolutions », accueillera plusieurs intervenants, dont les deux historiens Mohamed Harbi et Benjamin Stora qui aborderont respectivement « Question paysanne et mouvements paysans en Algérie » et « Fanon et une lecture de la guerre d'indépendance algérienne » Dans la deuxième session, « Psychiatrie et politique », il sera question de Fanon le psychiatre. Dans les années 1950, il parlait de désaliéner l'institution psychiatrique qui doit être un lieu où soignants et patients peuvent cohabiter et où les seconds doivent se voir restituer leur dignité. A la même époque, il tentait d'intégrer la réflexion sur la folie à une interrogation sur l'aliénation sociale et culturelle, l'histoire singulière d'un individu étant liée au contexte historique dans lequel il évolue. Bref, psychisme individuel et contexte global est un concept essentiel dans son premier ouvrage, Peau noire, masques blancs (1952). Fanon y parle de « désaliéner » l'homme noir, ce qui implique une « prise de conscience abrupte des réalités économiques et sociales ». Lorsqu'il est nommé médecin chef à l'hôpital de Blida-Joinville, en 1953, il prendra très vite conscience de la spécificité des patients algériens. Et agit vite en impulsant la création de lieux et d'évènements spécifiques (café maure, célébration des fêtes religieuses…). La troisième séance qui lui est consacrée se propose de faire un zoom sur les « Figures du racisme ». On y retrouvera entre autres allocutions : Fanon et l'identité noire au Brésil, par Antonio Sérgio Alfredo Guimarães (Université de São Paulo) et Actualité d'une pensée indigène, par Fatma Oussedik (Université d'Alger). En dernier lieu, « Dialectiser les identités ». Dans cette session, Lewis Gordon (Temple University, Philadelphie), évoquera Fanon dans la pensée politique africaine récente, alors que Malek Bouyahia (Université Paris 8) présentera une communication intitulée « Braconniers » en territoires intimes : Fanon et Sénac ou les appartenances critiques. Dans cette dernière partie, Eileen Julien (Indiana University Bloomington) évoquera également Fanon le poète. Psychiatre, penseur, écrivain, journaliste, militant, poète, cet homme multiple avait choisi l'Algérie comme creuset de son universalité.