En Kabylie, les filles plus que les garçons, souffrent doublement des problèmes sociaux. En plus du chômage, le manque de loisirs frappe de plein fouet les jeunes filles. Pour ces dernières, les problèmes relatifs au travail autant qu'aux loisirs se posent réellement avec acuité dans une société qui ne pardonne pas les velléités d'émancipation assimilées souvent à des écarts de conduite. Dans les villages de Kabylie, l'évasion se fait à travers la télévision. Toutes jeunes encore, les filles des campagnes après avoir quitté l'école, se mettent à apprendre et à pratiquer les travaux ménagers et certains métiers de proximité tels la couture, la broderie, le tissage, le jardinage, etc. Mais, tout leur savoir-faire ne suffira pas pour assurer l'équilibre nécessaire à une vie harmonieuse et équilibrée. Enfermées entre les quatre murs de la maison familiale, l'ennui, les insomnies auront vite fait de gagner du terrain dans le quotidien de toutes ces jeunes filles en mal de loisirs. Une grande partie d'entre elles ont longtemps fréquenté les bancs de l'école et continuent aujourd'hui de caresser le rêve de travailler, de se marier. Tous ces rêves sont contrariés. Zahra A., 23 ans, licenciée en sciences économiques est rongée par l'oisiveté. « Je me morfonds chaque jour dans l'inactivité. J'aurais aimé travailler à l'usine, enseigner ou faire autre chose. L'argent n'est pas tout, mais c'est utile pour le confort dans la vie. Je ne peux me permettre ce que je veux aujourd'hui ». Naïma T. 17 ans, est jeune lycéenne. Elle ne pense guère aux loisirs, a-t-elle avoué. « Je sors très rarement et je refuse même d'accompagner mes copines dans les promenades ». Elle s'attelle à la préparation de son bac. Widad A. 20 ans, est à la maison. Elle a quitté l'école en 9e AF après avoir raté deux fois le BEF. Elle passe le plus clair de son temps devant la télévision. Elle aime zapper dans le bouquet oriental des chaînes de télévision. « Je ne sors que rarement pour accompagner ma mère dans ses courses ou lorsqu'elle va aux récoltes des olives. J'aime lire les journaux comme "El Djamila", "El Aila" (en langue arabe) et écouter la musique kabyle ou orientale. Je bouquine du n'importe quoi en temps libre. J'aimerais bien aller à l'étranger. Nous avons de la famille en France mais je ne peux pas laisser ma mère toute seule ». Ouerdia A. 21 ans est plus discrète. Elle le dit franchement : « Mes parents me surveillent et ne veulent pas qu'il m'arrive un quelconque problème surtout à cause de l'insécurité. Quand je sors dans le village, je ne dois pas tarder sous peine de remontrances ». Fatiha I. 16 ans, une collégienne, grande de taille, en disharmonie avec son âge, aimerait se promener tranquillement sans être suivie ni faire l'objet d'agressions verbales. Ferroudja M., a 32 ans. Pour elle, les loisirs font partie de son passé « Avant, on se promenait tranquillement sans être incommodées. Aujourd'hui, c'est le calvaire. Mon père est très conservateur. Depuis quelque temps, j'ai commencé à faire la prière. J'ai eu une seule proposition de mariage, mais les conditions sont telles que ça n'a pas abouti ». A l'évidence, le quotidien est plus pesant et plus morose pour les filles de Kabylie. Mais, qui y pense ?