La route a été bitumée, mais elle mène à des villages fantomatiques. Poteaux électriques sans câbles, maisons aux murs noircis, ouvertes aux quatre vents, des arrêts de bus broyés par des engins fous, le retour à la vie ne crève pas les yeux. Les responsables qui pilotent depuis cinq ans le programme de retour à la terre, dans le cadre du PPDRI, ne sont pas près de crier victoire. Seuls 8 % des villageois ont regagné leurs demeures, désertées depuis 1995. Au village Boumhala, des voix sont perceptibles, notamment à l'école primaire, où ont trouvé refuge quelques familles. On ne s'appesantit pas sur la décennie noire, qui aura été d'ailleurs une décennie d'exil. On évoque seulement la « dégradation totale de la situation sécuritaire », qui a contraint les villageois à quitter précipitamment leurs foyers. Ils s'installeront au chef-lieu de daïra, Draâ Ben Khedda, ou à Tizi Ouzou, mais aussi à Alger, Boumerdès et Bouira. Une souffrance insondable de ces populations déplacées et que les autorités promettent d'aider au retour sur leurs terres. Délogés par l'insécurité, ils font face aujourd'hui à la bureaucratie. 450 foyers, répartis sur 7 villages, sont concernés par le programme de proximité de développement rural (PPDR), auquel a été ajouté le vocable « intégré ». Le projet a été élaboré en 2002 et « approuvé » en 2004. La première opération a été lancée en 2005. Depuis, beaucoup de kilomètres ont été avalés par les engins des travaux publics, mais sans plus. 12 km de route bitumée, 10 km de pistes agricoles, 9 km de pistes forestières, et 30 ha de débroussaillement. Reste à viabiliser ces villages naguère prospères, vivant de l'arboriculture et de l'élevage. Le raccordement au réseau électrique et la réfection du réseau AEP attendent toujours. C'est le chapitre habitat qui préoccupe le plus les postulants au plan d'aide. 160 nouvelles constructions sont admises aux subventions, qui ne sont pas encore parvenues, mais le cas des 250 maisons nécessitant des travaux de réfection n'est pas officiellement réglé. L'organisme qui débloque l'argent des habitations veut financer les nouvelles constructions mais pas les rénovations. Le problème serait en voie de règlement, selon les villageois, qui soulignent les efforts d'intermédiation avec l'administration, fournis par le défunt président d'APW, Rabah Aïssat. L'apport du ministère de la Solidarité nationale est vivement souhaité par les villageois pour la reconstruction de leurs maisons, comme cela a été fait pour les sinistrés du séisme. Des dizaines d'agriculteurs et d'éleveurs attendent en outre les 20 % d'aide promis pour l'achat des ruches pleines, des plants d'arbres et du cheptel. 18 poulaillers ont été ravagés pendant les années de feu. Les aviculteurs devront compter sur leurs propres moyens pour reprendre leur activité. Le secteur de la jeunesse est quelque peu oublié dans le plan de développement, mais il est attendu de l'APC l'affectation d'un local pouvant être transformé en foyer des jeunes. Enfin, la direction des transports ferait œuvre utile si elle donnait suite à un engagement du wali en faveur d'une dérogation pour la création de microentreprises dans le cadre de l'Ansej ou de la Cnac. « Cela réglera le problème du transport et créera des postes d'emploi », concluent les représentants des villageois.