C'est dire que ce genre d'événement qui se tient à la cathédrale se bonifie avec le temps. On y vient d'ailleurs de partout et il n'est guère rare d'y rencontrer des habitants du quartier voisin, assis sur les bancs de la cathédrale. L'on fait remarquer, d'ailleurs, que les gens, plutôt réfractaires, ont assisté aux répétitions de l'organiste et sont repartis tout contents. Les morceaux choisis par Daniel Matrone, natif de la ville d' Annaba, qu'il quittera à l'âge de 14 ans, sont considérés par les organistes comme difficiles à jouer : on s'y casse volontiers les dents ou plutôt les mains. Matrone saura, lui, en rendre la quintessence, avoueront des mélomanes, venus nombreux assister au concert. Ces morceaux sont ceux composés par des musiciens d'Outre-Rhin. Leurs contemporains reconnaîtront en eux les précurseurs du genre baroque. La chaconne en fa mineur de Johann Pachelbel, compositeur connu de nos jours pour ces canons repris par les Village people, entamera ce programme riche. Suivra la toccata et fugue en ré mineur de Jean-Sébastien Bach. Celui-ci fut de ceux qui ont donné une impulsion considérable au genre baroque. Le mot bien senti d'un connaisseur attestera du rayonnement de celui dont le nom en allemand signifie ruisseau : « S'il y a quelqu'un qui doit tout à Bach, c'est bien Dieu. » Johann Ludwig Krebs, disciple préféré de Bach aura aussi sa part dans ce concert. Sa fugue en ré majeur sera joué avec entrain par un matrone des grands jours. Il jouera également des morceaux de son cru ; une cantilène et une toccata en hommage à cet autre organiste passionné de l'Algérie, Camille Saint-Saëns, et un troisième morceau en hommage à la ville qui l'a vu naître, Hippone, dont il visitera le cimetière dans les jours à venir. Le retour au pays natal ne s'est pas fait sans appréhension. La descente de l'avion a été pour l'organiste un moment d'intense joie, reconnaît-il. Il avouera avoir été au bord des larmes en jouant avec l'orgue, transféré dans la cathédrale en 1930 de la Villa Georges. Le public, auquel s'est joint l'ambassadeur de France, le directeur d'Air France ainsi que Djilali Mehri, restera suspendu aux doigts de l'organiste. Ils ne se feront pas violence pour l'applaudir à tout rompre à la fin du concert. « Ce public est l'un des meilleurs que je n'ai jamais connu », fera remarquer, en substance, Daniel Matrone. Lui-même organiste de talent, Pierre Mourlevat, chargé de mission économique à l'ambassade de France, ne tarira pas d'éloges sur son collègue dont il facilitera la venue en Algérie. L'événement a été une réussite, à entendre les mélomanes. Toujours sourcilleux, Saïd Khitman de la mission économique de l'ambassade et Lefebvre, recteur de la basilique, y sont pour beaucoup. Il est à noter, par ailleurs, que les accords devant entériner le début des travaux de restauration de la cathédrale ont été signés « finalement » mercredi dernier. « Devant être entamés en février dernier, ces travaux commenceront au plus tard le 10 juin », relève Monseigneur Teissier, archevêque d'Alger. Ainsi, la wilaya d'Alger, maître d'ouvrage délégué, apportera sa contribution à un montage financier auquel participent plusieurs donateurs, parmi lesquels la région Paca et l'homme d'affaires Djilali Mehri, mécène reconnu. Des ouvriers algériens seront formés aux techniques de la restauration des monuments.