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Le régime de Ben Ali face à ses salafistes
À l'instar de l'Algérie et du Maroc, la Tunisie n'est pas à l'abri des attentats
Publié dans El Watan le 28 - 04 - 2007

Personne n'est à l'abri des attentats terroristes, même sous un régime aussi répressif que celui de Zine El Abidine Ben Ali. C'est une vérité que de nombreux Tunisiens reconnaissent amèrement. La neutralisation d'un groupe armé, une opération qui a duré du 23 décembre 2006 au 3 janvier 2007, au sud de Tunis a suscité de lourdes interrogations et ravivé la peur de voir la Tunisie frappée par des attentats à l'image de ce qui s'est passé à Alger ou à Casablanca.
L'idée d'une Qaïda du Maghreb n'est pas écartée, même dans les milieux les plus avertis. A ce titre, il est important de rappeler que la Tunisie est le premier pays du Maghreb à avoir été ciblé par un attentat kamikaze. C'était le 11 avril 2004 à Djerba. Un terroriste au volant d'un camion transportant de l'essence a percuté violemment une synagogue, faisant plus d'une dizaine de morts, majoritairement de nationalité allemande. Le choix de la date du 11 n'est pas fortuit et semble obéir à la logique adoptée par Al Qaïda depuis les attentats du 11 septembre 2001. Les opérations les plus meurtrières, souvent menées par des kamikazes, ont toute été menées le 11, que ce soit à Madrid, à Londres, à Casablanca ou récemment à Alger. A ce jour, les services de police tunisiens n'ont pu connaître toute la composante du réseau qui a aidé le kamikaze à se faire tuer à Djerba. Pour eux, l'attentat a été mené par un seul terroriste, mort lors de l'explosion. Mais les spécialistes contestent cette thèse estimant qu'une telle opération nécessite une préparation et une logistique. Les mesures répressives ayant conduit à l'arrestation de près d'un millier de personnes suspectées de complicité n'ont pas pour autant empêché le réseau salafiste à se reconstituer dans les monts boisés de Slimane et de Hammam Echatt, situés à une trentaine de kilomètres au sud de Tunis pour passer à l'action, lors des fêtes de la fin de l'année 2006. Par ses moyens et sa riposte, l'organisation surprend le régime qui a fait de la sécurité sa raison de vivre. L'offensive policière est alors entourée de la discrétion la plus totale. Les zones concernées par l'opération sont fermées hermétiquement dans le but d'éviter toute fuite d'information. Le ministère de l'Intérieur va jusqu'à semer la confusion en affirmant au début qu'il s'agit d'un groupe de délinquants, puis de trafiquants de drogue armés, avant de reconnaître à la fin l'existence d'un groupe salafiste tunisien, dont « les éléments composant le noyau dur sont venus d'Algérie ». Une révélation tirée au forceps, après dix longues journées d'affrontements entre les forces de sécurité et les terroristes. Les témoignages de certains habitants de Slimane rencontrés sur place et à Tunis font état de la poursuite du siège de la région par des policiers, désormais faisant partie du décor. Que s'est-il donc passé durant ces dix jours ? Qui sont ces terroristes ? Que faisaient-ils dans cette région ? Des questions auxquelles il est difficile d'avoir des réponses eu égard à la chape de plomb qui pèse sur ce domaine. Les responsables tunisiens n'ont pas daigné donner suite à nos doléances et les demandes introduites pour des entretiens avec les autorités sont restées lettre morte. Mais des sources généralement bien informées, notamment judiciaires, ainsi que parmi le corps diplomatique occidental nous ont permis de lever une toute petite partie du voile qui entoure cette opération, en dépit de la filature policière quasi permanente dont nous faisions l'objet tout au long de notre séjour à Tunis. En fait, tous les Tunisiens savent qu'il se passe quelque chose, mais personne n'en parle publiquement, de peur de se retrouver dans les locaux du ministère de l'Intérieur. En fait, selon des sources judiciaires, le groupe terroriste serait composé d'une trentaine d'éléments tunisiens, dont six, qui constituent le noyau dur, seraient venus d'Algérie, où ils étaient dans les rangs du GSPC. Ces éléments avaient pour but de constituer un maquis de salafistes tunisiens et de frapper fort à l'occasion des fêtes de fin d'année. « Nous ne savons pas exactement à quel moment ce groupe est entré dans la région de Slimane ou celle de Hammam Echatt. Ce qui est certain, c'est que le choix du lieu n'est pas fortuit. Il s'agit de massifs montagneux, situés à une trentaine de kilomètres de Tunis. Un endroit idéal pour s'entraîner, constituer des provisions, mais aussi endoctriner puis recruter les jeunes de la région qui souffrent de l'exclusion et de la répression du régime. Le noyau dur avait six kalachnikovs, mais les autres personnes on ne ne sait pas si elles étaient armées ou pas », déclarent nos interlocuteurs. Pour certaines sources, les services de police étaient au courant de l'arrivée de ce groupe d'Algérie. « Ils les ont suivis de loin pour connaître leurs relais dans la région. Mais lorsqu'ils ont eu l'information selon laquelle ils allaient frapper des ambassades et des hôtels lors des fêtes de fin d'année, ils ont pris la décision de donner l'assaut au refuge. » Pour d'autres sources, les policiers ont été informés de la présence de plusieurs individus suspects qui avaient pris refuge dans une montagne. Pour s'approvisionner, ils utilisaient le Kabtane (le chef du village), lequel ignorait qu'il s'agissait de terroristes. Une fois sur les lieux, les policiers ont été pris par un déluge de tirs de kalachnikovs, qui a causé de lourdes pertes dans leurs rangs. « Les policiers tunisiens sont forts dans ce qu'ils appellent la répression préventive, mais pas dans l'affrontement armé », indique notre source. Le face-à-face avec le groupe terroriste, ajoute-t-elle, s'est soldé par un « un bain de sang » à Hammam Chatt, où l'on parle d'une cinquantaine de morts. « Après un échange de coups de feu qui a duré plusieurs jours, les terroristes ont réussi à prendre la fuite. Seuls deux d'entre eux sont morts, alors que du côté des policiers, si officiellement on reconnaît que trois ont été blessés, officieusement tout le monde sait qu'il y a eu des dizaines de morts. » Une situation qui a nécessité, pour la première fois dans l'histoire de la Tunisie, l'intervention de l'Armée. Un dispositif impressionnant appuyé par des moyens aéroportés, notamment des hélicoptères de combat, est alors déployé dans un périmètre de plus d'une vingtaine de kilomètres carrés, et ce n'est que dans la nuit du 3 au 4 janvier 2007 que le second groupe est localisé dans le quartier de Slimane, où un laboratoire de fabrication d'explosifs a été démantelé. Officiellement, cinq éléments ont été tués dans ce quartier, parmi lesquels Al Assaâd Ben Mohamed Ben Ferhani Sassi, un ancien garde présidentiel, vétéran de la guerre d'Afghanistan et de Bosnie, ainsi qu'un Mauritanien connu sous le pseudonyme de Choukri. Selon des sources sécuritaires, Al Assaâd Ben Ferhani serait le chef du groupe. Nos interlocuteurs sont formels quant à l'importance du groupe et surtout à sa force de frappe qui, selon eux, n'a pas été totalement anéantie, arguant du fait que quatre éléments du groupe parmi les six venus des maquis du GSPC auraient réussi à prendre la fuite en emportant leurs kalachnikovs. Le 4 janvier 2007, le ministère de l'Intérieur tunisien annonce avoir abattu 12 éléments du groupe armé, résidant dans des régions différentes : Al Assaâd Ben Mohamed Al Ferhani Sassi, Zoheir Ben Abdellah Ben Omar Riabi, Majdi Ben Al Azhari Mustapha Al Omri, Mohamed Al Hadi Ben Benaissa Ben Mohamed Ben Khlifa, Hassanine Ben Hocine Ben Mohamed Al Aïfa, Makram Ben Bachir Ben Salah Harid, Esahibi Ben Khamais Ben Mohamed Al Masrougui, Riadh Ben Mouldi Ben Sahbi Miri, Rabia Ben Mohamed Ben Omar Bacha, Mahdi Benyoucef Al Majri, Choukri Ben Mohamed Ben Rahouma Meftahi et le Mauritanien dit Chokri dont l'identité n'est pas connue. Le même ministère annonce aussi l'arrestation de 15 éléments du groupe mais, un mois plus tard, 31 personnes sont présentées à la justice pour « constitution de réseau de soutien ». Les opérations de rafles dans les quartiers dits islamistes se multiplient et près de deux mille jeunes sont arrêtés. Les mosquées sont soumises à des surveillances policières accrues. Les barrages routiers sont installés tout autour de la capitale et dans de nombreux quartiers de Tunis. La visite du ministre de l'Intérieur algérien Yazid Zerhouni, à Tunis, juste après cette opération, n'est pas fortuite. Il est question de « renforcer le contrôle au niveau de la frontière, notamment terrestre, et de coopérer en matière de lutte antiterroriste pour éviter des infiltrations ». De nombreux Tunisiens enrôlés dans les rangs du GSPC ont été arrêtés en Algérie, puis remis aux autorités tunisiennes. Ce qui conforte l'idée que des réseaux dormants existent bel et bien en Tunisie et risquent de passer à l'action d'un moment à l'autre.
« La répression préventive attise la haine et pousse à la violence »
Dans la rue, les gens expriment rarement leur avis sur la question. Ils préfèrent parler de la situation en Algérie ou au Maroc, mais pas en Tunisie. « Ici, nos islamistes ne sont pas comme les vôtres. Ils ne tuent pas. Ils sont contre le régime, mais pas contre le peuple », affirme Saïd, un taxieur. Pour lui, « la police tunisienne est la plus compétente en la matière à l'échelle africaine et dans le monde arabe. Elle a le flair. Elle neutralise les groupes islamistes avant même qu'ils ne passent à l'action. » Aimad est un jeune cafetier qui pense que ce qui s'est passé à Slimane « est une preuve que le terrorisme n'a pas de frontières ». Les mêmes propos sont tenus par Zeineb, une jeune avocate qui précise néanmoins que « la peur » s'est désormais installée dans la vie des Tunisois. Elle déclare que « la main de fer” avec laquelle les policiers traitent la question sécuritaire « est porteuse des germes de la violence ». Professeur à l'université, Ali note que « si le terrorisme est une vraie menace pour le pays, les moyens utilisés pour son éradication risquent de constituer le terreau duquel se nourrissent les intégristes pour endoctriner la jeunesse ». En fait, la plupart des personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenues, souvent dans des conditions très difficiles pour éviter d'être repéré par les nombreux policiers qui nous suivent à la trace, expriment leur désaccord avec les méthodes répressives utilisées par le régime de Ben Ali au nom de la lutte antiterroriste. Pour les spécialistes, le recours systématique à « la répression préventive » basée sur la chasse aux barbus « attise la haine et pousse à la violence ». Il n'est pas exclu, explique-t-on, que « la violence et les brutalités policières auxquelles recourent les policiers soient le prétexte qu'utiliseront les salafistes djihadistes pour enrôler les jeunes des quartiers défavorisés". Pour Ahmed, un jeune universitaire, la main de fer avec laquelle le régime combat les islamistes n'a pas empêché l'idéologie salafiste d'envahir les plus importantes mosquées, les universités et certains secteurs comme l'éducation et la justice. « Il suffit de sortir le vendredi pour voir comment se passe la prière aux alentours des mosquées », dit-il. En effet, une visite durant la prière du dohr (la mi-journée) à la mosquée située dans une rue parallèle à l'avenue Bourguiba permet de constater de visu le retour à des pratiques censées être révolues, comme par exemple l'occupation des trottoirs pour la prière. Vraisemblablement, la répression ne permet pas l'éradication de la violence. Elle fait reculer son expression sur le terrain seulement. Depuis les attentats du 11 septembre et surtout la guerre en Irak, le régime tunisien justifie les multiples et graves atteintes aux droits de l'homme par la nécessaire lutte antiterroriste. La Tunisie, tout comme l'Algérie, connaît l'islamisme politique depuis la fin des années 1970. Clandestinement, les leaders de cette mouvance s'emparent des mosquées, des universités et des milieux défavorisés en endoctrinant des pans entiers de la jeunesse. Une partie de celle-ci est envoyée en Afghanistan pour combattre l'armée russe et l'autre se prépare à prendre le pouvoir. En 1981, un mouvement appelé Orientation islamique active dans la clandestinité, puis vers la fin des années 1980, c'est la naissance du Mouvement Ennahda, dirigé par Ghenouchi, exilé en Grande-Bretagne. En parallèle, une autre organisation appelée Hizb Ettahrir (le parti de la libération) apparaît également et prône la libération du pouvoir des mains des « apostats » pour le restituer aux islamistes. Ce mouvement disparaît de la scène, au début des années 1990 avec les événements en Algérie qui ont eu pour conséquence une guerre sans merci lancée par les autorités contre la mouvance islamiste, notamment contre le parti Ennahda, qui avait des relations étroites avec l'ex-FIS. Vers la fin des années 1990, une autre organisation, Ahl El Beyt (les propriétaires de la maison), d'obédience chiite, voit le jour. Elle surprend les observateurs lorsqu'elle réussit même à se doter d'un agrément. Cette tolérance du régime à l'égard d'une telle organisation intervient au moment où les relations irano-tunisiennes connaissent un dégel. Mais sur la scène religieuse apparaît également une autre mouvance, celle des salafistes djihadistes, constituée essentiellement de vétérans de la guerre d'Afghanistan et plus récemment de l'Irak. Cette nébuleuse réussit à enrôler dans ses rangs les contestataires religieux de tout bord, les laissés-pour-compte et les victimes de la répression féroce au nom de la lutte antiterroiste depuis le 11 septembre 2001. L'organisation bénéficie de relais au sein des autres groupes salafistes algériens, libyens et mauritaniens. Le régime, ayant peur pour sa pérennité du fait de sa coupure avec la société civile, renforce davantage ses méthodes répressives, en leur donnant un cadre légal, avec la nouvelle loi sur la lutte antiterroriste adoptée en 2003. Au lieu d'ouvrir le champ politique et démocratique, seul moyen de combattre les extrémistes religieux, il fait main basse sur les deux piliers d'une démocratie : la justice et les médias. Depuis son accession au pouvoir, il y a 20 ans, Ben Ali réussit à faire taire les voix de la contestation et couper à l'opposition tous les moyens d'expression. Les médias lourds ne sont aujourd'hui que les relais du gouvernement et les rares journaux qui ont tenté d'offrir leurs colonnes à la société civile sont réduits au silence. Du côté de la justice, le régime met au pas l'association des magistrats, dont les membres du bureau ont été éloignés de la capitale, pour créer une autre organisation parallèle qui lui est totalement soumise. Par la même occasion, il crée de graves problèmes au Conseil de l'ordre des avocats, dont certains responsables ont exprimé leur solidarité avec les magistrats écartés. Une autre histoire de répression que nous verrons dans notre reportage de demain.


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