Qui peut barrer la route à M. Zine El Abidine Ben Ali pour une présidence à vie ? Ce n'est certainement pas Mohamed Ali Halouani, du parti Ettadjdid, qui a décidé de se lancer dans la compétition électorale uniquement pour briser l'image d'un pluralisme de façade. Malgré les assurances données par le régime tunisien sur la régularité des élections générales (présidentielle et législatives), prévues aujourd'hui, l'opposition, dont des candidats en lice, relève l'absence d'enjeux. Une mascarade électorale », selon elle, destinée à reconduire le président sortant et son parti (le Rassemblement constitutionnel démocratique) au pouvoir pour cinq nouvelles années. Les deux autres candidats, Mohamed Bouchiha et Mounir El Béji, respectivement secrétaire général du Parti de l'unité populaire (PUP) et président du Parti social libéral (PSL), deux formations dites de « soutien », ont laissé entendre qu'ils ne comptaient pas bousculer M. Ben Ali. Dans un pays où les médias sont contrôlés par l'Etat, la campagne électorale a été à sens unique, favorable au candidat du pouvoir. « Les quelque 4,6 millions d'électeurs tunisiens appelés à participer au scrutin présidentiel du 24 octobre auront été privés, pendant toute la campagne, d'une information indépendante dans les médias nationaux », a déclaré, hier, Reporters sans frontières (RSF). Au pouvoir depuis octobre 1987, M. Ben Ali est tout aussi attaché au culte de la personne, une notion érigée par son prédécesseur, Lahbib Bourguiba, pendant trente ans. Dès son accession au pouvoir, M. Ben Ali s'était pourtant engagé à ne pas reproduire le même système. Après trois mandats, il n'a pas hésité à se présenter une quatrième fois à la présidentielle, une candidature rendue possible par un référendum portant réforme constitutionnelle, organisée en mai 2002 et remportée avec plus de 97% des suffrages exprimés. L'opposition avait dénoncé un « coup de force électoral » et des résultats à la« soviétique ». La nouvelle Constitution permet à M. Ben Ali, entre autres, de postuler même pour un cinquième mandat, l'âge limite ayant été relevé de 70 à 75 ans, d'être à l'abri de toute poursuite judiciaire, en lui consacrant l'immunité pendant et après son exercice du pouvoir, de ratifier des conventions internationales sans passer par le Parlement. Indirectement, le président Ben Ali peut aussi désigner ses adversaires lors de la présidentielle : en mai dernier, il a fait voter une nouvelle loi qui autorise uniquement les cinq formations parlementaires à présenter des candidats, alors que les candidats libres doivent recueillir le parrainage d'au moins trente élus, autant dire mission impossible quand on sait que le parti du président Ben Ali, le RCD en l'occurrence, dispose de 148 sièges sur 182, alors que les cinq formations d'opposition se partageant 34 sièges. élection de mascarade C'est de cette manière qu'a été éliminé de la course le secrétaire général du Parti démocratique progressiste (PDD), Ahmed Néjib Chebbi, une formation légale mais non représentée au Parlement. M. Chebbi a décidé, jeudi dernier, de retirer les listes de son parti des législatives, car soumises au même verrouillage. « Nous refusons d'être réduits à jouer un rôle de faux témoins dans une élection mascarade », a-t-il dénoncé. Cet appel au boycott a également été la consigne du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), du Parti communiste des ouvriers tunisiens (PCOT, non reconnu), du Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT, non reconnu). L'opposition tunisienne dénonce une dégradation dramatique des libertés et des droits de l'homme, particulièrement depuis les attentats du 11 septembre qui ont eu pour conséquence, selon elle, un soutien des capitales occidentales au régime de Zine El Abidine Ben Ali. « Le premier des droits de l'homme est de manger, d'être soigné, de recevoir une éducation, d'avoir un habitat » : la fameuse phrase récente du président français Jacques Chirac avait suscité une levée de boucliers de l'opposition tunisienne. Louant les avances de la Tunisie sur ces questions, M. Chirac avait balayé d'un revers de la main les inquiétudes sur les exactions du régime tunisien. Selon le rapport de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), plus de 6000 prisonniers d'opinion sont toujours incarcérés en Tunisie, une situation que nient les autorités tunisiennes qui considèrent ces derniers comme des détenus de droit commun.