Après un black-out imposé par les autorités tunisiennes concernant les accrochages sanglants survenus en Tunisie fin décembre 2006 et début janvier 2007, des langues commencent à se délier et la thèse d'un groupe terroriste se confirme au fil des jours. Ainsi, la sénatrice tunisienne Emna Soula a affirmé, lundi soir sur la chaîne de télévision France 24, que « la piste salafiste est sérieusement étudiée » concernant ces accrochages entre les forces de sécurité et un groupe qualifié de « dangereux criminels » par les officiels de Tunis. Elle a ajouté que « l'enquête évolue ». Plusieurs titres de la presse privée tunisienne ont évoqué, lundi et mardi, la piste terroriste islamiste dans ces accrochages. L'opposant Moncef Marzouki a déclaré, de son côté, s'inscrire « en faux » contre l'explication officielle. « Nous vivons dans un pays d'omerta, dans un pays où l'information est secrète », a-t-il dit. Leader du Congrès pour la République (CPR, interdit) et vivant en France, M. Marzouki a estimé que « cette violence était prévisible » en raison du « degré d'enfermement » dans lequel le président Zine El Abidine Ben Ali a « mis la population tunisienne ». Les autorités ont affirmé, lundi, poursuivre l'enquête sur les deux affrontements survenus les 23 décembre 2006 et 3 janvier 2007, et qui se sont soldés par la mort de douze personnes et l'arrestation de quinze autres, selon un bilan officiel. Dans son édition d'hier, le quotidien Echourouk, proche du pouvoir, a affirmé que le chef du groupe « salafiste » impliqué dans des accrochages avec les forces de sécurité est mort, succombant à ses blessures après un affrontement à Soliman (40 km au sud de Tunis). Plus explicite, le journal privé affirme que les affrontements ont impliqué un « groupe salafiste actif au Maghreb », dont le chef, un certain Lassad Sassi, a été blessé et capturé le 3 janvier, avant de succomber à ses blessures. Le quotidien français Libération avait révélé, le 5 janvier, le nom du chef de bande, Lassad Sassi, indiquant qu'il s'agit d'un « ancien gendarme tunisien qui serait passé auparavant par l'Afghanistan et l'Algérie ». Une autre source a confirmé que l'ancien gendarme avait succombé à ses blessures dans un hôpital, après avoir été longuement interrogé par la police. Echourouk indique, en outre, que « la puissance de feu, les armes utilisées, y compris des fusils-mitrailleurs et des lances-roquettes de type RPG, témoignent de la présence d'éléments bien entraînés, voire rompus au combat et au maniement des armes pour certains ». Selon un témoin oculaire, un groupe de cinq éléments au moins s'était retranché dans une habitation en construction à l'entrée de Soliman. L'un d'eux s'était rendu et quatre avaient été tués à l'issue de violents accrochages avec les forces de sécurité, utilisant notamment « un char ». Depuis les deux accrochages, aucune indication n'a été fournie sur l'identité des personnes impliquées et la nature criminelle ou politique de leurs projets, les autorités arguant d'une « instruction en cours ». D'un autre côté, la plupart des journaux avaient évoqué l'incident du 23 décembre comme un fait divers, lié à un trafic d'armes ou de drogue. Seule la presse privée tunisienne, le quotidien Assariah et le journal Assabah ont évoqué l'hypothèse d'un groupe terroriste. Cette version serait également soutenue par l'opposition tunisienne. Jeudi dernier, le grand quotidien panarabe Al Hayat a affirmé que la fusillade du 3 janvier a fait 25 morts et que « ces hommes armés se seraient infiltrés dans le pays à partir de l'Algérie ». De son côté, le président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme au département de Sousse, Djamel Meslem, déplore la rétention de l'information de la part des autorités tunisiennes. « Nous sommes frustrés par le manque d'informations et nous attendons la conférence de presse du ministre de l'Intérieur », a déclaré M. Meslem, joint hier par nos soins. Cependant, a-t-il conclu, « tout porte à croire qu'il s'agit bel et bien d'opérations terroristes ».