Mi-mai 2006, le ministre de l'Agriculture, Saïd Barkat, avait annoncé à la presse nationale que l'Algérie couvrira entièrement ses besoins en matière de lait dans une année. La production laitière qui était de 2 milliards de litres en 2006, selon le ministre, devait être portée à 3 milliards cette année. Loin de connaître l'autosuffisance en matière de production laitière, cette année a été marquée par contre par une crise sans précédent de la filière laitière nationale. Un appel d'offre international pour l'importation d'urgence de 20.000 tonnes de poudre de lait afin de combler le déficit existant et juguler la crise, a été annoncé par le ministre de l'Industrie Mahmoud Khedri, qui évalue les besoins de l'Algérie en lait frais autour de 2.500.000 litres/j. Une subvention exceptionnelle de 111 millions d'euros à l'importation de lait en poudre pour soutenir les prix à la consommation, a été alors consacrée, et ce afin de maintenir à 25 dinars le prix du litre de lait à la consommation, en compensant la différence entre le prix à l'importation et le prix administré. Sur le marché international, les cours de la poudre de lait oscille entre 2300 et 3000 dollars. Une flambée jamais connue depuis une vingtaine d'années, et que des spécialistes expliquent par la conjonction de deux facteurs : le recul de la production laitière des grands producteurs que sont l'Europe et l'Océanie, et la forte demande tirée par la Chine et l'Inde. L'Algérie importe annuellement en moyenne pour 600 millions de dollars de lait en poudre. Etant l'un des principaux produits de consommation en Algérie, l'entreprise publique Giplait a tenté en vain de juguler la pénurie en arrêtant sa production des produits dérivés à plus forte valeur ajoutée (fromages, yaourts etc..) au profit du lait en sachet de consommation courante, et qui de l'avis de l'un de ses responsables, le prix de revient du sachet de lait est sur le point de dépasser les 30 DA. L'Algérie, gros importateur mondial de poudre de lait Les besoins de consommation de l'Algérie en lait et produits laitiers sont estimés actuellement à 3,2 milliards de litres. La production locale est évaluée à un peu moins de 2 milliards (dont 10 à 15 % sont collectés pour l'industrie laitière). Cette production est régulée par des importations sous forme de poudre de lait, évalués à plus d'un milliard de litres, qui coûte annuellement à l'Etat entre 600 et 800 millions de dollars, et qui fait de l'Algérie l'un des plus importants importateurs au niveau mondial. L'algérien consomme aujourd'hui un peu plus de 115 litres/an/habitant, devançant le tunisien à 85 litres et du marocain 65 litres, mais loin derrière le consommateur européen qui consomme plus de 300 litres/an. Pour faire face à cette situation intenable, l'Etat a mis dans le cadre du FNRDA (Fond National de Régulation du Développement Agricole) en place un système de subventions, comme la prime d'incitation à la production locale de lait livré à la transformation, à raison de 7 DA/litre, la prime à la collecte et livraison de lait cru, à raison de 4 DA/litre et une prime de 2 DA/l pour le transformateur. Il existe aussi des subventions pour l'investissement à la ferme pour les éleveurs qui disposent de plus de 6 vaches. Ceux-ci peuvent bénéficier d'un financement pour des équipements d'irrigation, des primes de 5000 DA /ha pour la production fourragère, pour la construction de silo, des primes pour la production d'ensilage, etc. De plus, des mesures ont été annoncées dans le sens de l'importation massive de génisses, mais qui de l'avis de spécialistes, " ne sera guère facile vu le contexte international du marché, avec la forte demande internationale (Chine, Inde, Russie, Mexique…) et le prix de la génisse en forte hausse (plus de 1800 euros) " comme l'a fait remarqué Karim Rahal, professeur à la Faculté des sciences agro-vétérinaires de l'Université de Blida. Pour lui, le problème de la filière réside dans le fait que le prix administré ne couvre pas les charges de plus en plus lourdes pour le producteur, notamment pour nourrir le cheptel. " Il est plus rentable d'engraisser le bovin et l'envoyer aux abattoirs, ou d'investir dans les cultures maraîchères ou fruitières " a-t-il estimé. Et à K. Rahal de considérer comme " nécessité incontournable " l'option de produire du lait localement, et ce dans un contexte de déséquilibre entre l'offre et la demande. Pour cela, il sera nécessaire, dit-il, " d'affiner la stratégie des aides et mesures de soutien des pouvoirs publics, notamment pour ce qui concerne l'amont de la filière lait ". Et afin d'augmenter la productivité, notre interlocuteur estime qu' " il est grand temps que l'Algérie se dote d'un système performant dans le suivi des élevages laitiers, sur la base d'actions d'appui technique ". " Sous d'autres cieux, explique t-il, le suivi technique est réalisé par des zootechniciens dans le cadre du contrôle laitier, à raison d'une visite mensuelle, et qui va notamment porter sur les pratiques de l'éleveur, qui vont de la maîtrise du système fourrager, le rationnement, la gestion de la reproduction et la gestion de la traite. Ces critères sur lesquels il faut sans arrêt revenir sont évalués en permanence et corrigés au fur et à mesure ".