En dépit de toutes les mesures prises par le gouvernement pour endiguer la crise qui affecte actuellement la filière lait, la tension persiste sur le marché. En effet, les producteurs contestataires semblent décidés à ne pas lâcher prise en maintenant leurs menace de suspendre l'activité si les pouvoirs publics tardent à satisfaire leurs revendications. Tout porte à croire donc que la batterie de mesures que vient de prendre le ministère du Commerce pour rassurer les producteurs privés et les convaincre de la nécessité de continuer la production et ne pas suspendre leur activité ne semble pas convaincre. Au-delà de son aspect purement conjoncturel, cette crise met à nu l'incapacité à prévoir ce genre d'aléas à cause, essentiellement, de l'absence de système d'alerte et de veille stratégique au niveau des institutions, des organisations professionnelles et des entreprises intervenant dans le créneau. Selon les statistiques officielles, la production nationale de lait atteint en moyenne deux milliards de litres alors que les besoins des Algériens en ce produit sensible atteint les trois milliards. Ce déficit, comblé par l'importation de la poudre de lait, ne pouvait qu'accroître la dépendance de la filière. A ce titre, il convient de signaler que la facture d'importation de la poudre de lait atteint 600 millions de dollars ce qui fait de l'Algérie l'un des plus importants importateurs au niveau mondial. L'Algérien consomme aujourd'hui un peu plus de 115 litres/an/habitant, devançant le tunisien à 85 litres et du marocain 65 litres, mais loin derrière le consommateur européen qui consomme plus de 300 litres/an. Face à cette situation, le président de la Chambre nationale de l'agriculture (CNA), M. Ould Hocine Mohamed Chérif, avait insisté, début février au forum d'El Moudjahid, sur la nécessité de recourir à la production nationale pour combler le déficit en matière de production laitière. Un choix judicieux, mais qui reste tributaire du règlement d'un certain nombre de disfonctionnements qui minent le circuit de la production nationale. En effet, le secteur fait face à l'insuffisance de structures de collecte découlant de la dispersion et de l'irrégularité de la production, le caractère embryonnaire de l'économie contractuelle dans l'activité de collecte de lait, l'insuffisance du potentiel de transformation et le non respect de la réglementation et de la normalisation. L'Algérie a lancé un appel d'offres international pour l'importation d'urgence de 20 000 tonnes de lait en poudre afin de juguler la crise sur le marché national. Par ailleurs une subvention a été consacrée en 2007 à l'importation du lait en poudre afin de soutenir les prix à la consommation. Reste, que de l'avis de nombre d'observateurs, cette mesure ne peut être que provisoire et nécessite une réflexion sur une politique à long terme à même de permettre d'éviter ce type de crise à l'avenir. Il convient toujours de situer le lait comme un produit de première nécessité justifiant d'ailleurs une politique de soutien de son prix public par l'Etat qui prend sur lui de faire la péréquation des coûts et de répondre à la nécessité de maintenir ce produit stratégique sur le marché et d'assurer un différentiel couvrant le manque à gagner pour les producteurs qui payent leur matière première au prix réel. Il s'agit d'un différentiel substantiel qui, au final, représente des sommes colossales. En ce qui concerne donc la filière lait, beaucoup reste à faire malgré l'optimisme du ministre de l'Agriculture, M. Saïd Barkat, qui, mi-mai 2006, avait annoncé à la presse nationale que l'Algérie couvrira entièrement ses besoins en matière de lait dans une année (2007).