Une dizaine de policiers de la Guardia civile, accompagnée de nombreux journalistes, ont fait irruption, mardi dernier, dans les domiciles de deux agents exerçant au consulat algérien d'Alicante, au sud de l'Espagne. Le soir même, toutes les chaînes de la télévision ouvrent sur le sujet et parlent d'arrestation d'un réseau de trafiquants de papiers d'identité au profit d'Al Qaïda. Une information qui a bouleversé les deux familles, mais également le personnel du consulat, en pleine effervescence à la veille des élections législatives, et qui s'est retrouvé par la force des médias projeté sous les feux de la rampe. Aucune information n'a filtré sur les motifs d'une telle descente, jusqu'à ce que les deux agents, transférés à Malaga, plus de 500 km de leur lieu de résidence, soient présentés au parquet et mis sous mandat de dépôt vendredi après 4 jours de garde à vue. Dans un communiqué, rendu public le 12 mai, la Guardia civile affirme avoir arrêté 25 personnes parmi lesquelles des Algériens, des Marocains, des Sénégalais, des Roumains et des Equatoriens, dans le cadre d'une opération dénommée « Sport », dans les provinces de Murcia, de Valence, d'Alicante, de Madrid, de Barcelone et de Ténérife, auteurs présumés de falsification de documents. Le communiqué précise que « l'organisation » établissait de faux documents à « des personnes issues du milieu de la délinquance maghrébine », comme si la délinquance avait une nationalité. A aucun moment la Guardia civile n'a parlé d'appartenance présumée des personnes arrêtées au réseau d'Al Qaïda, information reprise par toute la presse marocaine espagnole. Elle n'a également pas parlé des ressortissants espagnols arrêtés dans le même cadre, chez lesquels les présumés faux documents ont été retrouvés. Les familles consternées Du côté des Affaires étrangères, la prudence est de mise, même si au fond il n'est pas exclu pour nos sources que ces arrestations, notamment celle des deux agents du consulat, soient le fruit d'un règlement de comptes. « Nous avons été surpris par ces arrestations tout autant que leur famille. Nous ne savons pas encore ce qu'il y a dans le dossier, exception faite qu'il s'agit d'une opération menée par la Guardia civile contre un groupe d'auteurs présumés de falsification de papiers espagnols. Il y a parmi eux des Algériens, des Marocains, des Sénégalais, des Espagnols, des Roumains et un Equatorien. L'ambassade et le consulat général suivent de très près cette affaire, à travers l'avocat de la chancellerie qui est sur place. Nous ne pouvons rien faire et rien dire tant que nous ne savons pas ce qu'il y a dans le dossier. Ce n'est que vendredi dernier que les deux agents et les autres Algériens arrêtés ont été présentés au juge. Il faut donc attendre lundi pour s'avancer. Ce qui est certain pour l'instant, c'est d'abord qu'il ne s'agit pas de diplomates, mais d'agents contractuels. En plus, ils n'ont rien à avoir avec Al Qaïda, tel que rapporté par la presse et enfin jusqu'à preuve du contraire, ils sont présumés innocents. Il est important de préciser également, qu'en ce qui concerne la falsification, nous n'avons aucune affaire de faux papiers algériens », a déclaré une source du ministère des Affaires étrangères. La question qui reste posée est de savoir comment des agents consulaires peuvent-il commettre des faux sur des papiers espagnols ? Les familles des deux agents consulaires, encore très inquiètes, sont déroutées. Elles sont convaincues que leurs enfants ont fait les frais « d'un règlement de comptes à la veille des élections législatives, pour porter atteinte à la représentation diplomatique algérienne ». Elles ont exprimé leur consternation devant « cette facilité avec laquelle des accusations aussi graves sont portées contre des agents qui travaillent depuis plus de 17 ans au consulat. Leur carrière professionnelle n'est entachée d'aucun incident ou manquement professionnel qui pourraient remettre en cause leur intégrité ». Ces familles affirment que les deux agents ont été transférés dans une prison à Malaga, à plus de 500 km de leur résidence, rendant les visites presque impossibles. Peut-on croire, comme ces familles, que cette affaire cache autre chose que le trafic de papiers espagnols ? La réponse ne peut être trouvée qu'une fois le procès achevé de ces jeunes Algériens. Mais d'ici là, la prison et le regard de leurs voisins et proches les auront totalement détruits.