Comment lire, aujourd'hui, la ville d'hier », c'est l'intitulé qu'aurait pu appliquer El Hadi Hamdikène artiste photographe et cinéaste à son exposition photo, organisée récemment à Annaba. Même sous une forme poétique dans sa description photographique de l'architecture, l'urbanisme et l'environnement, l'artiste a assuré le joint-venture avec le séminaire tenu récemment à l'université Badji Mokhtar sur le même sujet. Ce n'était pas une mission difficile quand on sait que le site urbanistique de Annaba a fait et fait toujours l'objet d'une agression en règle. A travers ses clichés en noir et blanc, Hamdikène a calligraphié Annaba. Il en a même dessiné et figé pour l'éternité les contours et les reflets des centaines fois. Il en a tiré une ville de mouvement, une ville de l'éphémère, du doute et de la remise en question. C'est apparemment ce qui a entraîné El Hadi Hamdikène le passionné de l'image et du zoom, vers les vertiges interminables d'un solitaire. Une spirale de décors lui a imposé d'en appréhender la réalité. Au vernissage qu'il a organisé dans le hall de l'hôtel Seybouse International, il s'est appliqué à la saisir au fil des sites qui l'ont marqué, enthousiasmé ou blessé. Spirale aussi dans les contradictions photographiées qui caractérisent Annaba, cette ville de l'est du pays. Silence des murs et des rues, silence des écumes de la mer, silence des cimes de l'Edough, rien que le silence pour refléter les « solitudes » de Hamdikène, l'artiste à l'esprit préoccupé d'affaires toutes matérielles mais ô combien habitées de légendes. Son exposition le dit dans le mutisme de ses clichés en noir et blanc de Annaba qui ne nécessitent aucune explication. En fait, Hamdikène dévoile Annaba dans toute sa complexité. L'artiste qu'il est a su créer l'événement jeudi dernier. Ses prises de vue donnent le ton à des sites où s'étaient succédé tant de civilisations, où sont venus mourir tant d'espoirs. Comme une vérité que l'on n'aime pas mais que l'on accepte, les photos de Hamdikène nous entraînent au cœur des terres de l'Edough ou de sa bordure de mer, sa corniche et des amours perdues et égarées dans les flots de la grande bleue. Des photos qui ouvrent des fenêtres sur toute l'étendue de cette région verte et bleue, source d'une grande émotion. Ce photographe mais aussi cinématographe nous a ainsi livré une méditation sur la nature, l'architecture, l'urbanisme. Sa technique photographique dénoue, sous nos yeux, une intrigue qui débouche sur le mythique. Il rappelle à chacun de nous que jeunesse de cœur n'a rien à voir avec le calendrier des années périmées. Une vingtaine de prises de vue pour une « solitude » que Hamdikène a toujours cultivée et plusieurs autres pour des vertiges qui l'ont enivré. Lorsqu'il travaille et qu'il réussit à faire parler l'image, il donne l'impression d'exprimer une poésie universelle et compréhensible à tous. Cette exposition, qui s'est achevée mercredi dernier, a permis au nombreux public de découvrir, une nouvelle fois, El Hadi Hamdikène au talent et à la sagesse d'un grand artiste photographe. Ses paysages, ses bouquets de nature, ses écumes de vagues furieuses en font avant tout un magicien de scènes inoubliables, un amoureux aussi de la douceur de vivre. Sa grande palette chromatique, ses jeux d'ombres et de lumières, donnent à ses photos vivacité et parfum de liberté.