Casse-tête. L'Alliance présidentielle, composée du FLN, du RND et du MSP, a appelé à voter massivement aux élections législatives. Cet appel a été ignoré par la population, puisque douze millions d'Algériens ont boudé les urnes. Alors par quel miracle une Alliance qui a grandement échoué à convaincre les électeurs a-t-elle pu gagner le scrutin ? A priori, le FLN a perdu des sièges à l'APN. Le RND et le MSP ont, eux, gagné plus de sièges que la dernière législature. Cela n'a rien d'important dans la mesure où l'architecture de la chambre basse du Parlement n'a pas changé. La majorité reste aux mains de l'Alliance. Le RND et le FLN sont accusés de fraude par d'autres partis et par la Commission de Saïd Bouchaïr. Commission qui n'a eu aucune gêne à se déjuger, en public et en quelques heures, sur l'étendue des irrégularités enregistrées lors du scrutin et à se limiter aux classiques « cas isolés ». Le modèle de la CPNSEL a montré ses limites. Reste le fond : pourquoi Bouchaïr a-t-il chargé le FLN et le RND ? Existe-il un conflit larvé autour d'enjeux stratégiques sur ce que sera l'Algérie des prochains mois ? Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur qui a déjà géré cinq consultations électorales depuis 1999, a tenté, hier dans une conférence de presse, de « folkloriser » les soupçons de fraude. Il a réduit, sourire aux lèvres, des cas de dépassements à de l'anecdote. La tentation de culpabiliser les partis est visiblement forte. Il y a, d'abord, ce refus manifeste de voir de la punition dans la large abstention au vote qui était, déjà, forte lors du référendum sur la réconciliation nationale en 2005. L'Alliance, le gouvernement et le programme présidentiel, tout ce package est frappé de sanction. Les Algériens, qui ne peuvent pas manifester pacifiquement leur colère dans les rues, ont pris leur revanche en rejetant l'acte électoral, devenu, par mécanique bureaucratique, un devoir au lieu que ce soit un droit. Dans une analyse du faible taux de participation au vote, le ministre de l'Intérieur a invité les partis à « mieux s'adapter » aux mutations que connaît la société. Manière, encore une fois, de suggérer que la faille est ailleurs, pas au niveau de la classe dirigeante. Le jeu politique est-il ouvert pour que les uns et les autres « s'adaptent » aux réalités d'aujourd'hui ? Avec une incompétence structurelle à contrôler l'action du gouvernement et des pouvoirs presque nuls, l'APN n'a rien fait pour susciter la confiance des citoyens et devenir sympathique. Il se comprend aisément que ces mêmes citoyens n'iraient pas choisir des députés incapables d'élever la voix devant les tenants du pouvoir ou de plaider la cause des faibles. La représentation nationale n'est, en fait, qu'une vue de l'esprit. Situation que les Algériens ont bien comprise. Tant que les instruments démocratiques ne sont pas actionnés, la crise de confiance se poursuivra. Avec 35% de voix, la future APN aura du mal à parler au nom de tous les Algériens. Elle manque de crédibilité, voire de légitimité. En son sein, aucun parti n'aura une voix dominante. Une nouvelle contrainte, voulue et étudiée, pour que la chambre basse du Parlement s'installe dans ce qui ressemble à une congélation. En langage simple, cela s'appelle une régression... démocratique.