El Tarf. 19h30. C'est déjà le crépuscule et la circulation des gens et des véhicules est au point mort. On entend que les clameurs qui fusent des cafés où se sont entassés les dizaines gens pour suivre le match retour très difficile de la 4e Ligue des champions arabe qui oppose à Amman (Jordanie) l'Entente de Sétif à Al Fayçali. De l'autre côté de la rue, dans les salles de classe de la petite école primaire, il y a quelques personnes qui suivent le dépouillement du vote qui se déroule dans un silence religieux. Depuis une demi-heure déjà, à intervalle régulier, la voix du président du bureau, qui se veut celle d'un arbitre impartial, révèle au fur et à mesure le contenu de chaque bulletin. Chaque fois qu'il ouvre la bouche, on retient un peu sa respiration. Les scrutateurs, représentants des partis, assis face à lui sur une rangée de chaises scolaires, cochent studieusement les votes qui s'égrènent. Les membres du bureau mettent du cœur à la tâche et se surveillent car ils savent parfaitement qu'ils sont à la merci de la moindre défaillance. Sur la table, les paquets de bulletins exprimés par liste annoncent déjà l'issue du vote. Pas de grande surprise, mais on ne sait jamais. Et puis, comme un souffle bienfaisant, un murmure vient à traverser la petite assistance : « Sétif vient de marquer ! Sétif vient de marquer ! » Puis de nouveau le silence entrecoupé par la voix du président. Soudain, de derrière les rangs, s'élève une voix forte et inquiète cherchant manifestement à connaître la liste en tête : « Qui mène ici ? » « Sétif 1 à 0 », répond machinalement et sans plaisanter l'un des assesseurs déclenchant par la même occasion l'hilarité générale. Tout était dit. A part cela, on raconte, puisque jusqu'à vendredi 14h il était impossible d'avoir les résultats officiels, que sur les quatre sièges d'El Tarf, le FLN aurait eu les deux premiers, le troisième serait allé au RND et le quatrième serait revenu aux transfuges islamistes d'El Islah passés au MNND. On ajoute encore que, contrairement aux précédents scrutins où El Tarf s'illustrait particulièrement avec des taux de participation hallucinants, c'est l'abstention qui a fait un record dans une wilaya rurale, autour de 50% !