Le Ramadhan n'est pas toujours synonyme d'animation et d'ambiance particulière. Dans les villages reculés, le changement dans les habitudes est minime et seulement quelques activités nouvelles apparaissent durant ce mois. Dans la localité enclavée des Ouacifs, les jeunes villageois rongent leur frein dans les cafés à longueur de soirées. Certains préfèrent regarder les films projetés dans des locaux transformés durant ce mois en salles de cinéma pour le prix de 5 DA la place. Les écoliers se bousculent, quant à eux, dans les salles de jeux électroniques et des baby-foot. Le fameux jeu du « Loto » ne suscite plus l'engouement comme les précédentes années chez les villageois. « Les gens arrivent à peine à subvenir aux besoins élémentaires de leur famille durant le Ramadhan », déclare Yahia, un père de cinq enfants que nous avons rencontré devant un magasin d'alimentation au chef-lieu des Ouacifs. Comme la plupart des chefs de famille, Yahia passe la soirée devant l'écran de télévision. C'est le cas aussi de cet enseignant au collège d'Aït Boumahdi et qui réside dans la cité des 260 Logements. Equipé d'une parabole numérique et d'un micro-ordinateur, il reste à la maison en compagnie de ses deux enfants. « Je ne change pas mes habitudes en cette période de jeûne et s'il m'arrive de sortir après le f'tour, c'est pour une demi-heure avec ma femme et mes enfants. » La disponibilité des moyens de transport la nuit permet aux jeunes des villages éloignés, dépourvus de cafétérias, de rejoindre le chef-lieu de la daïra en quelques dizaines de minutes. Jusqu'à une heure tardive de la nuit, la ville reste ouverte. Elle ne commence à se vider qu'à partir de minuit, surtout que les conditions sécuritaires de ces dernières années se sont beaucoup améliorées. Les groupes armés qui faisaient irruption dans les cafétérias des hameaux perdus, durant les années 1990, pour délester les citoyens de leur argent, ne se sont pas manifestés ces derniers temps. La crête des Ouacifs qui en a beaucoup souffert a renoué timidement avec l'ambiance des soirées ramadhanesques. Les habitants de cette région circulent la nuit librement et sans trop de crainte. « Depuis que le calme est revenu, je veille avec mes amis dans notre quartier jusqu'à, parfois, 4h », affirme un jeune de Zaknoun. Pour les commerçants, c'est l'occasion de gagner un peu plus d'argent. Sur les places publiques et devant la poste de la ville, les jeunes rassemblés en petits groupes discutent du championnat national de football. D'autres parlent des sketchs diffusés par l'ENTV. Saïd et ses amis négocient avec un transporteur le prix d'une course à Tizi Ouzou. Ils veulent assister aux galas organisés à la maison de la culture Mouloud Mammeri. Dans les cybercafés qui ne ferment presque plus, c'est le rush. Ce sont les seuls endroits de loisirs pour la jeunesse des Ouacifs qui attend toujours une relance effective du centre culturel, fermé depuis longtemps pour des travaux de réfection. « Il vaut mieux que je dépense mon argent en surfant sur Internet où je découvre le monde d'un seul clic que d'aller dans une cafétéria pendant deux heures sans rien faire et peut-être dépenser plus », confie Djamel, un jeune coiffeur de 30 ans. Contrairement aux hommes qui ont le choix de sortir ou de rester à la maison, les femmes n'ont pour se distraire que la télévision. Celles qui avaient l'habitude de rendre visite aux proches, après la rupture du jeûne, le font rarement, aujourd'hui. « Les temps ont changé et le Ramadhan perd de plus en plus de sa saveur », explique Dehbia, femme au foyer et mère de trois enfants.