Ce fut sans surprise. Les élections présidentielles du 21 avril, au Nigeria, ont porté au pouvoir le candidat du Parti démocratique populaire (PDP) – et surtout celui du gouvernement – Umaru Yar'adua. Demain 29 mai, Olusegun Obasanjo, 60 ans, devra passer le relais, certes un peu forcé, après huit ans à la tête du Nigeria. « Le nouveau président, une personnalité politique peu connue, est sans doute son homme de paille, analyse Bernard Nantet, auteur du Dictionnaire de l'Afrique : histoire, civilisation, actualité. « Il est clair qu'Obasanjo restera l'homme fort du Nigeria ». Son atout ? Militaire redevenu civil, il a su se faire apprécier à la fois par une grande partie de la population du pays et par la communauté internationale. « Il détonne dans l'histoire du pays, d'abord parce que c'est un chrétien, du Sud, alors que les gouvernants du Nigeria sont traditionnellement des militaires, musulmans, du Nord », poursuit Fewley Diangitukwa, politologue. Engagé volontaire dans l'armée, formé par les Britanniques avant l'indépendance, Obasanjo fait partie des premiers casques bleus envoyés en Afrique, en République démocratique du Congo, et des responsables militaires qui reçoivent la reddition du Biafra. « Contrairement au général Gowan et Murtala Muhammad, c'est un légitimiste, partisan de la remise du pouvoir aux civils, qui œuvre pour un retour aux institutions démocratiques », explique Bernard Nantet. Il organise d'ailleurs des élections qui mènent à la présidence un civil, Shehu Shagari, en 1979, et se retire dans sa ferme pour élever des poulets. « Arrêté par le général Abacha à cause de son aura de démocrate, il sauve sa tête grâce à une campagne internationale, lancée, notamment, par les organisations afro-américaines se réclamant de leurs ancêtres yoruba et faisant de lui un Mandela nigérian. » Candidat malheureux au siège de secrétaire général des Nations unies (c'est Kofi Annan qui fut élu), il a tout de même acquis une stature internationale de chef d'Etat, toujours favorable aux campagnes de maintien de la paix en Afrique et à la discussion. « Il a ainsi accepté de remettre entre les mains de la Cour internationale de justice le conflit avec le Cameroun autour de la péninsule pétrolifère de Bakassi, rappelle Bernard Nantet. Avec les militaires du nord, l'affaire aurait sans doute pris une tout autre tournure. » Soupçonné de corruption – le Nigeria est le premier pays producteur de pétrole en Afrique mais aussi un des plus pauvres et des plus mal gérés du continent–, Obasanjo est aussi accusé par ses détracteurs, notamment ceux du sud, d'être trop proche des musulmans du nord qui ont instauré la charia. « Comparable à des dirigeants maliens comme Amadou Toumani Touré, conclut le spécialiste, il faut voir Obasanjo comme un militaire qui s'est comporté en civil, un modéré qui a réussi à maintenir l'équilibre entre le Nord et le Sud. »