Umaru Yar'Adua est le nouveau président de la République, a annoncé lundi 23 avril la Commission électorale nationale (INEC), à Abuja. Candidat du parti au pouvoir (PDP), Umaru Yar'Adua a obtenu 24,6 millions de voix, contre 6,6 millions suffrages pour son principal opposant le général Muhammadu Buhari du Parti de tout le peuple du Nigeria (ANPP). Le vice-président Atiku Abubakar, candidat de l'Action Congress (AC), arrive en troisième place avec 2,6 millions de voix. Les deux principaux partis d'opposition ont rejeté les résultats officiels. Les observateurs nationaux et internationaux mettent en cause la crédibilité du scrutin, qualifié de "pire scrutin" de l'histoire du pays par l'opposition. Umaru Yar'Adua, 56 ans, gouverneur de l'Etat musulman de Katsina (nord), pratiquement inconnu il y a encore quelques mois, remporte haut la main l'élection présidentielle du 21 avril. Elu pour un mandat de quatre ans, Umaru Yar'Adua succède ainsi au président Olesegun Obasanjo qui, après huit ans à la tête du pays le plus peuplé d'Afrique, se trouvait dans l'incapacité constitutionnelle de briguer un troisième mandat. Les deux principaux candidats de l'opposition ont contesté la victoire de Umaru Yar'Adua. "La Commission nationale électorale (Inec) a annoncé à la face du monde les résultats les plus grossièrement truqués de l'histoire du Nigeria, surpassant même les fraudes massives de 2003", a déclaré Muhammadu Buhari, arrivé deuxième selon les résultats officiels. Atiku Abubakar, troisième selon ces mêmes résultats, a demandé l'annulation du scrutin et estimé que cette élection est la "pire" de l'histoire du pays. Même l'actuel président du Sénat, Ken Nnamani, troisième personnage de l'Etat, n'a pas épargné les critiques. Il estime que l'image du Nigeria ressort ternie et que les abus électoraux constatés à grande échelle laisseront un héritage de haine et provoqueront une crise de légitimité pour le vainqueur. Le 20 avril, à la veille du scrutin présidentiel, devant une délégation d'observateurs étrangers dirigée par l'ancienne secrétaire d'Etat Madeleine Albright, Ken Nnamani n'avait pas hésité à affirmer que le parti au pouvoir (PDP), son parti, avait truqué ce scrutin avec l'aide de la police, de l'armée et de la Commission électorale nationale (INEC). Un "pas en arrière" et une "menace" pour la démocratie . Pour sa part, la Maison Blanche s'est déclarée "profondément troublée" par les affrontements mortels et les soupçons d'irrégularités. Les observateurs privés américains de l'Institut international républicain (IRI) estiment que, en terme de logistique, le scrutin est "en dessous des normes fixées par les précédentes élections" présidentielles de 1999 et 2003. Les élections du 14 et du 21 avril représentent "un pas en arrière" qui "menace d'entamer la confiance des Nigérians dans les institutions démocratiques de leur pays", a pour sa part déclaré ce lundi à Abuja l'ancienne secrétaire d'Etat américaine, Madeleine Albright, représentante d'une organisation américaine, le National democratic institute (NDI) qui a déployé 61 observateurs au Nigeria pour les élections de samedi. Madelein Albright a indiqué que son organisation n'appelle pas à de nouvelles élections mais que les autorités ont "cinq semaines" pour "rectifier le tir" en traitant le mieux possible les plaintes des électeurs. Les 17 observateurs du Commonwealth ont également fait état d'"imperfections significatives", soulignant notamment l'heure tardive d'ouverture de nombreux bureaux et le manque de confidentialité du vote. Le scrutin n'a été "ni libre ni équitable", a déclaré Abdel Fatau Musa, chef de la mission de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), dont 200 membres ont suivi le scrutin. Ce responsable recommande une réforme urgente du processus électoral au Nigeria, pour éliminer les imperfections observées et favoriser en particulier le renforcement de l'indépendance de la Commission électorale. "Il n'y a pas eu d'élections crédibles", selon le principal groupe d'observateurs nigérians, le Transition Monitoring Group (TMG), qui avait déployé 10 000 personnes dans les bureaux de vote à travers le pays. Dénonçant une "mascarade" organisée par le gouvernement, ce groupe d'observateurs nationaux appelle à l'annulation des scrutins. Face à l'ampleur des irrégularités, certains observateurs s'interrogent sur la légitimité du futur pouvoir, avec un président, dauphin choisi par Olesegun Obasanjo, et accusé par ses détracteurs d'être une "marionnette" aux mains du chef de l'Etat sortant qui doit quitter officiellement le pouvoir le 29 mai.