Les 36 gouverneurs des Etats de la fédération du Nigeria montent au créneau. Ils estiment que le chef de l''Etat, Umaru Yar'Adua qui n'a plus été vu en public depuis le 23 novembre 2009, date de son départ pour l'Arabie Saoudite, pour «effectuer un bilan de santé» officiellement, devrait passer le témoin au vice-président Goodluck Jonathan. Ils ont demandé à l'Assemblée nationale de voter cette semaine une résolution. «Nous sommes désormais d'avis de nous réunir avec les dirigeants de l'Assemblée nationale pour adopter une résolution reconnaissant formellement le vice-président comme président par intérim», déclare Bukola Saraki, l'actuel président du «forum des gouverneurs». Cet appel à la transmission, à titre intérimaire, des fonctions de président au numéro deux de l'exécutif «dans l'intérêt de la nation» pas loin d'une crise politique certaine, a déjà été fait par le Sénat, les anciens chefs de l'Etat dont Olusegun Obasanjo, l'association du barreau et l'opposition qui a organisé plusieurs manifestations dans les grandes villes. Objectif de ces actions : inciter le président à signer les lettres aux deux chambres du Parlement pour confier le pouvoir au vice-président, procédure requise par la Constitution ou obtenir sa destitution. Les fidèles de Yar'Adua font de la résistance. Forgée pour maintenir les grands équilibres politiques du pays, une règle non écrite du Parti démocratique du peuple (PDP) établit que la présidence revient tous les huit ans et deux mandats à des responsables du Nord, puis du Sud. Elu pour quatre ans en 2007, pour représenter les intérêts du Nord, Yar'Adua pourrait être réélu en avril 2011. S'il devait céder le pouvoir à son vice-président sudiste à mi parcours, cet équilibre serait perturbé : le pouvoir échapperait au Nord. Retour des la fracture entre un Nord musulman et un Sud à prédominance chrétienne ? L'hypothèse d'un retour après onze ans de pouvoir civil aux coups d'Etat dans le pays le plus peuplé d'Afrique n'est pas exclue. Surtout si l'impasse politique actuelle se prolonge et la cassure du gouvernement fédéral entre les pro et les contre Umaru s'aiguise. «Notre démocratie chèrement acquise est aujourd'hui menacée», écrit dans un mémorandum distribué à ses collègues, la ministre de l'Information et porte-parole du gouvernement, Dora Akunyili, après avoir crevé l'abcès mercredi en plein Conseil des ministres. Elle a demandé que le président transfère par écrit ses pouvoirs au vice-président. Dans le sud pétrolifère, il y a comme des «bruits de bottes». Le Mouvement d'émancipation du Delta du Niger (Mend) le groupe armé le plus actif du Delta du Niger, a rompu un cessez-le-feu de trois mois, estimant que le programme d'amnistie était au point mort du fait de l'absence du président. Ils menacent Shell, Exxon et consorts. Réplique du ministre de la Défense, Godwin Abbe: les rebelles « n'ont pas du tout le monopole de la violence. Outre cette rébellion qui renaît, le Nigeria pourrait souffrir des zones de violence ethno-religieuses qui se sont multipliées. Jeudi, Mohamed Abba Aji, un conseiller spécial du président a affirmé que Yar'Adua allait transmettre une «lettre de Djeddah». Quand ? personne ne le sait. Les Nigérians qui sont inquiets pour leur pays l'attendent. Jusqu'à quand ?