Le monde entier connaît cette frêle silhouette et ses quatre initiales : ASSK. Aung San Suu Kyi, 62 ans, une femme qui tient tête à la junte militaire en Birmanie, et qui vient de voir se renouveler pour une année son assignation à résidence le 25 mai dernier. La détention actuelle de Mme Suu Kyi se poursuit depuis le 30 mai 2003 mais, sur les 17 dernières années, elle en a passé plus de 11 privée de liberté. Elle s'est fait connaître du grand public en recevant le prix Nobel de la paix en 1991 pour ses actions non-violentes. Elle est secrétaire générale de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), opposée à la dictature en place, fille du leader de la libération birmane, le général Aung San. C'est lui qui a négocié l'indépendance de la Birmanie en 1947. Il a été assassiné par des rivaux la même année. Sa fille Aung San Suu Kyi a seulement deux ans lors de la mort de son père. Elle fait ses études aux Etats-Unis, à partir de 1969, entame un second cycle d'études supérieures et devient secrétaire-assistante du Comité des questions administratives et budgétaires des Nations unies. En 1988, elle retourne en Birmanie. Cette année-là, le général Ne Win, leader du parti socialiste au pouvoir perd peu à peu le contrôle du pays. Des manifestations éclatent dans tout le pays afin d'obtenir plus de démocratie, elles sont violemment réprimées par l'armée. Une nouvelle junte militaire prend le pouvoir. Fortement influencée par la philosophie non-violente du Mahatma Gandhi, Suu Kyi entre petit à petit en politique afin de travailler pour la démocratisation du pays. Elle participe à la création de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) le 27 septembre 1988, qui promeut des réformes politiques en Birmanie. Suu Kyi est ensuite présidente de la LND et devient un symbole du désir populaire pour la liberté politique. Elle est arrêtée le 20 juillet 1989, le gouvernement militaire lui propose la liberté à condition qu'elle quitte le pays ; ce qu'elle refuse. Elle est mise plus tard en liberté « surveillée ». En 1990, la junte militaire, sous la pression populaire, met en place des élections générales, qui sont gagnées très largement par le parti de Suu Kyi. Alors qu'elle doit ensuite prendre le poste de premier ministre, la junte militaire refuse le scrutin et annule le résultat des élections. Cela provoque un scandale au niveau international. Suu Kyi reçoit cette année-là le prix Sakharov et le prix Rafto, puis le prix Nobel de la paix l'année suivante. Elle reçoit la somme de 1,3 million de dollars (1,7 million d'euros) qu'elle utilise pour établir un système de santé et d'éducation pour le peuple de Birmanie. Elle est libérée de sa détention surveillée en juillet 1995, cependant il est très clair que si elle quittait le pays afin de rendre visite à sa famille au Royaume-Uni, elle se verrait refuser le droit de revenir en Birmanie. En 1997, son mari Michael Aris est atteint du cancer de la prostate ; cependant, le gouvernement birman lui refuse le droit d'entrer pour visiter sa femme. La junte militaire essaie clairement de faire partir Suu Kyi afin de s'en « débarrasser ». Suu Kyi ne reverra jamais son mari qui meurt en 1999. De plus, elle reste séparée de ses enfants, qui vivent toujours au Royaume-Uni. Le 30 mai 2003, sa caravane est attaquée dans un village par un groupe paramilitaire payé par la junte au pouvoir. Beaucoup de ses supporters sont tués. Suu Kyi réussit à s'échapper, mais est arrêtée un peu plus tard. Elle est alors à nouveau emprisonnée. Le 14 mai 2007, un appel est lancé par une cinquantaine d'anciens dirigeants du monde entier pour la libération d'Aung San Suu Kyi. Son assignation à résidence actuelle expirera le dimanche 27 mai. Ce pourrait être une opportunité pour la junte de la libérer mais elle a déjà, par le passé, prolongé sa détention sans autre forme de procès.