Le sénateur américain Jim Webb, proche de Barack Obama, a rencontré hier le numéro un birman, le généralissime Than Shwe, puis l'opposante Aung San Suu Kyi, lors d'une visite sans précédent qui pourrait signaler à terme un changement dans les relations bilatérales. M. Webb, parlementaire démocrate de Virginie qui préside une sous-commission des Affaires étrangères au Sénat, est le premier haut responsable américain à s'entretenir avec Than Shwe, « bête noire » de toutes les administrations précédentes à Washington. La rencontre s'est déroulée dans la capitale administrative birmane Naypyidaw, située dans le centre de ce pays reclus, alors que les généraux au pouvoir restent sous le feu des critiques internationales pour avoir fait condamner mardi dernier Mme Suu Kyi à 18 mois supplémentaires d'assignation à résidence. Le procès de la figure de proue de l'opposition birmane, qui a déjà été privée de liberté pendant 14 des 20 dernières années, a fait suite à l'intrusion dans sa demeure en mai d'un mormon américain de 54 ans, John Yettaw, qui a, lui, été condamné à sept ans de prison et de travaux forcés. Le premier résultat de l'entretien historique de M. Webb avec Than Shwe a été l'annonce que la junte avait accepté de libérer M. Yettaw, dont la santé est fragile et qui a eu plusieurs crises d'épilepsie en détention. John Yettaw sera officiellement expulsé aujourd'hui, a annoncé le bureau du sénateur Webb à Washington. « Le sénateur Webb l'emmènera hors du pays à bord d'un avion militaire qui se rendra à Bangkok dans l'après-midi », a ajouté le bureau de M. Webb. Après son tête-à-tête avec Than Shwe, M. Webb s'est rendu dans l'après-midi à Rangoun, la plus grande ville de Birmanie située dans le sud, où il a rencontré pendant 45 minutes Mme Suu Kyi, mais pas M. Yettaw, selon des responsables birmans. A Naypyidaw, Jim Webb s'était également entretenu avec des représentants de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), principale formation d'opposition dirigée par Mme Suu Kyi. Si aucune mesure de clémence n'intervient d'ici à 2010, la lauréate du prix Nobel de la paix, âgée de 64 ans, ne pourra pas participer aux élections promises par les généraux pour l'année prochaine. Jeudi dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU avait exprimé sa « grave préoccupation » après les verdicts de Rangoun et l'Union européenne (UE) avait adopté de nouvelles sanctions « ciblées » contre le régime birman. Dans les mois ayant précédé le procès de Mme Suu Kyi et de M. Yettaw, l'administration Obama avait déclaré envisager un changement de politique à l'égard de la Birmanie, avec plus de dialogue et moins de sanctions. Un diplomate avait indiqué que les entretiens de Jim Webb devaient se concentrer sur les modalités d'une libération rapide de John Yettaw avec une éventuelle « contrepartie ». Than Shwe (76 ans), arrivé au pouvoir en 1992, a été jusqu'ici cloué au pilori par les Etats-Unis qui, avec l'UE, ont imposé une série de sanctions contre la Birmanie en raison de l'absence de réformes démocratiques. Jim Webb (63 ans), vétéran de la guerre du Vietnam, était arrivé vendredi en Birmanie, en provenance du Laos, point de départ d'une tournée en Asie du Sud-Est. Un membre de sa délégation s'est exprimé samedi à Rangoun devant la Fédération des chambres de commerce et d'industrie de Birmanie et, selon des participants, la discussion a porté sur les espoirs des hommes d'affaires locaux de voir un prochain assouplissement des sanctions occidentales qui minent le développement du pays.