Tout est relatif et ô combien ! Voilà que certains analystes du marché mondial de l'art se plaignent que les nouveaux riches russes perturbent les cours et les tendances. Scandale des puristes devant l'indécence de ces anciens kolkhoziens ou apparatchiks qui, soudain couverts de roubles convertibles, se ruent sur les tableaux de peinture, sculptures et autres objets d'art. Le président de Sotheby's, l'une des plus grandes maisons de vente aux enchères, affirme que « ce marché a l'une des plus fortes croissances jamais vues ». On le comprend, il vient d'ouvrir un bureau à Moscou et de présenter sa prochaine vente estimée à 100 millions de dollars en mises de départ. Son plus gros concurrent, Christie's, affirme que la Russie est devenue « l'un des secteurs les plus dynamiques et excitants du marché international de l'art ». Les sommes astronomiques dépensées par les oligarques attirent les artistes, les galeries et les marchands d'art du monde entier. Mais on leur reproche de faire monter les cours et, pire, de privilégier l'art russe dont les ventes seraient passées en 5 ans de 9 à 153 millions de dollars. « Il y a beaucoup d'argent, mais beaucoup d'argent sans instruction », s'est même plaint un pauvre marchand d'art parisien. Les malheureux ! S'ils savaient ce que les nouveaux riches algériens achètent. Des œuvres foncières signées par le maire du coin. Des « Femmes d'Alger dans leurs appartements ». Des collections de 4 X 4, datées du début du XXIe siècle. Des sculptures modernes de l'industrie électroménagère. Des créations authentifiées par les supérettes des banlieues résidentielles. Bric et broc en vrac, tendance pop art. Du coup, et à tort, certains aimeraient qu'ils soient atteints du manque d'instruction de leurs collègues russes, si vulgaires que l'un d'eux a racheté en 2004 à la famille Forbes des œuvres anciennes (neuf œufs Fabergé !) dont il a fait don à l'Etat russe. Fort heureusement, les nôtres sont trop instruits pour cela. C'est dans ce sens qu'ils évitent sagement et scrupuleusement d'acheter des œuvres d'art. Ils risqueraient sinon d'encourager les artistes à poursuivre leurs turpitudes quand la relance du pays a besoin de main-d'œuvre (notez que le mot œuvre est ainsi présent dans leur esprit). Ils conforteraient les hurluberlus qui ont ouvert des galeries d'art, préjudiciables en cette période de pénurie de fonds de commerce. Enfin, leur conscience internationale étant plus développée que celle de ces fils dégénérés de Lénine, il n'est pas question qu'ils perturbent le marché mondial de l'art. Des sages, on vous le disait.