Face au déploiement militaire américain, opéré depuis les attaques du 11 septembre 2001 imputées à Al Qaîda et après trois guerres menées par Washington (Irak en 1990 et en 2003, Afghanistan en 2001), la Russie de Vladimir Poutine semble décidée à affronter stratégiquement l'Oncle Sam. Les Etats-Unis ont déployé leurs forces de frappe autour du bassin sud de la Russie et ont récupéré les places fortes de l'Europe de l'Est suivant la traditionnelle logique d'encerclement. Tout en se concentrant sur « les avant-postes de la tyrannie », selon les termes de la secrétaire d'Etat américaine Condoleeza Rice, Washington ne perd pas des yeux Moscou et ses velléités impériales poussant vers le Sud et l'Ouest. Hier, Poutine a fermement réagi contre ce siège : la Russie devait s'affirmer comme une puissance militaire et économique face à la « forteresse » américaine. Poutine a estimé que la Russie devait elle aussi s'assurer une défense « solide ». « Nous devons aussi nous construire une maison solide, car nous savons ce qui se passe dans le monde », a-t-il ajouté. Vladimir Poutine a comparé les Etats-Unis à un « loup » qui oublie ses discours sur les droits de l'homme lorsqu'il y va de ses intérêts. Les notes du Conseil national de sécurité US appellent à multiplier la puissance de frappe américaine. Qu'à cela ne tienne, Poutine a jugé « prématuré » de parler de la fin de la course aux armements, assurant qu'au contraire elle atteignait un « nouveau niveau technologique », évoquant le « risque de prolifération de charges nucléaires de petite puissance » et l'apparition d'« armes nucléaires dans l'espace » dans son discours annuel à la nation. Washington adopte la stratégie de l'essaimage du potentiel de puissance, la projection rapide des forces à des milliers de kilomètres et l'apport poussé des high-tech. Moscou, de son côté, lance le défi. Poutine a estimé hier que la Russie dépense de « plus en plus d'argent » pour créer une armée « mobile » et « professionnelle », en tenant compte des leçons du conflit en Tchétchénie. « L'armée comptait 1,4 million d'hommes et il n'y avait personne pour faire la guerre (...). De jeunes soldats inexpérimentés ont été exposés aux balles. Je ne l'oublierai jamais », a déclaré hier le président russe ajoutant : « Notre objectif est de faire en sorte que cette situation ne se reproduise plus. » L'industrie de l'armement russe connaît une seconde vie, avec notamment le dernier deal avec l'Algérie qui a englobé près de 7 milliards de dollars de vente d'armes, un des plus gros marchés pour la Russie depuis le chute du mur de Berlin en 1989. La commande publique d'armements de la Russie progressera de 22% en 2007, a annoncé lors d'une conférence de presse samedi Vladislav Poutiline, premier vice-président de la commission militaro-industrielle avec le rang de ministre, d'après l'agence russe RIA Novosti. La commande publique d'armements pour le ministère de la Défense est projetée pour 2007 à hauteur de 302,7 milliards de roubles (8 milliards d'euros). Sur ce total, le budget affectera 145 milliards de roubles (soit une hausse de 22% par rapport à l'année en cours) pour l'achat d'armements et de matériels de guerre, presque 60 milliards pour les réparations d'armements et de matériels de guerre (une progression de 15,7%). Les dépenses du ministère de la Défense pour la recherche développement augmenteront de plus de 20%. Hier, Poutine a évoqué l'importance du budget militaire des Etats-Unis, justifiant ainsi le renforcement par Moscou du budget alloué à la défense et à la sécurité, en hausse de 20% en 2006. Le renforcement des forces d'infanterie est aussi au programme du chef du Kremlin : « Vers 2011, parmi les forces conventionnelles, les formations en alerte permanente compteront environ 600 unités », a-t-il déclaré hier, annonçant également une augmentation du nombre de ces unités dans l'aviation de chasse, l'aviation légère, dans les troupes de DCA, dans les unités de renseignement radioélectronique, etc. « En cas de nécessité, des groupements mobiles et autosuffisants peuvent être créés dans n'importe quel secteur potentiellement dangereux sur la base des unités professionnelles des formations en alerte permanente », a-t-il indiqué. Poutine a également annoncé que la Russie devra, au cours des cinq prochaines années, améliorer sensiblement l'équipement de ses forces nucléaires stratégiques. L'agence RIA Novosti rapporte que le président russe a indiqué que des travaux sont déjà en cours pour créer des armes de précision inédites et des missiles possédant de bonnes qualités manœuvrières et évoluant sur une « trajectoire imprévisible pour l'adversaire éventuel ». En 2006, la Russie mettra en service deux nouveaux sous-marins nucléaires stratégiques, a annoncé Poutine. « Nous n'avons construit aucun sous-marin de ce type depuis 1990 », a-t-il souligné. « Les nouveaux types d'armements permettent à la Russie de maintenir l'équilibre stratégique des forces dans le monde », a-t-il appuyé. L'agence russe a repris les déclarations du général Yury Baluyevsky : « Le rôle principal de l'armée russe sur la scène internationale est de prévenir contre une nouvelle guerre mondiale. » Ad. M. / Agences