Une rencontre simple et sans artifice avec Dieudonné, l'humoriste et comédien français, honni par les uns et encensé par les autres, dans son bureau parisien et au sein même de son théâtre La main d'or à Bastille. C'était juste après son dernier spectacle Le best of. Vous avez intitulé votre dernier spectacle dépôt de bilan suivi d'un « best of ». ça ressemble à des adieux aux planches... Non. II est vrai que peut-être je m'apprête à un grand changement dans ce pays (la France), que peut-être aussi je ferai partie de ce changement, et que je pourrai continuer à vivre ici. Alors, c'est vrai ! Nicolas Sarkozy est devenu président, il faudra un plan B… C'est quoi le plan B ? Il y a l'Afrique où mon père habite (Cameroun, ndlr) et où j'ai pas mal de choses à faire, et il y a le Canada où je vais régulièrement. Je pense réellement qu'étant donné l'hostilité de M. Sarkozy envers les populations d'origine africaine, ça sera invivable… Comment avez-vous évolué durant 10 ans de carrière en solo ? Une carrière, ça se fait avec le temps, l'environnement, et les événements qui peuvent survenir sur le parcours normal d'une vie. Entre les moments de polémiques et les grands spectacles, je pense que c'était assez riche et assez équilibré. Les images évoluent : Alain Delon des années 1960 n'est plus celui d'aujourd'hui ; Patrick Bruel a eu un succès phénoménal et aujourd'hui, il ne pourrait même pas chanter dans une bar-mitsva ! Les temps changent et les carrières évoluent. Beaucoup de procès, 22 relaxations, zéro condamnation, il vous reste Arthur et Bruel sur les bras… Arthur m'a insulté, moi aussi j'attaque… Bruel a dit que ma place était en prison. J'imagine qu'un noir qui se révolte, ça doit le déranger tout comme un Algérien qui parle de l'histoire de l'Algérie et qui lui rappelle de mauvais moments, puisqu'il est d'origine algérienne et il était du mauvais coté de la Révolution pendant la colonisation. Est-ce qu'il est difficile, aujourd'hui en France, de s'exprimer sur la dure réalité et l'actualité arabo-musulmane ? De tout temps, ça a été difficile, on s'inscrit dans une histoire et mes idoles étaient Rosa Parks, Martin Luther King et Malcolm X, pour lesquels c'était aussi difficile. Les Palestiniens vivent une injustice au quotidien, ce sont aujourd'hui les nègres du Moyen-Orient. Je suis issu de ces peuples qui ont souffert et qui souffrent. Il est normal qu'il y ait une solidarité. Comment vous est venue l'idée d'aller en Iran (mi-mars 2007) ? J'ai été invité par le ministère de la Culture et, étant un artiste français, j'étais curieux de connaître les frontières de la liberté d'expression dans ce pays. On nous a dit que c'était un pays d'intégristes où l'humour n'existe pas ; nous avons rencontré des gens qui étaient opposés au système en place, c'est vous dire que c'était quand même une démocratie pour moi. Autrement, il est clair qu'il y a des sujets sur lesquels on peut s'exprimer avec beaucoup de liberté. Pour moi, les Iraniens sont le symbole d'une résistance, le point de départ de l'effondrement des Etats-Unis. Comment avez-vous trouvé Téhéran ? Téhéran avec ses 17 millions d'habitants est une ville colossale, extrêmement moderne, avec un système routier hallucinant ! C'est l'une des plus grandes villes du monde ! Autant Baghdad et Beyrouth étaient des objectifs militaires possibles avec les moyens militaires américains (qui sont les moyens les plus importants au monde), autant Téhéran est impossible à gagner… Impossible ! Dans votre spectacle vous avez dit : « Si le peuple a envie de connaître la vérité, il doit éteindre la télé et regarder par la fenêtre. » Est-ce là votre vision de la presse et des médias actuels ? Non, il y a des médias qui font leur travail, mais la plupart sont des entreprises privées avec des chefs d'entreprise. Je citerais l'exemple du journal Libération qui a été racheté par le baron de Rothschild, et qui divulgue les infos qui l'intéressent et qui servent les projets de sa formation religieuse avec une haine particulière envers les noirs et les Maghrébins. Il a le droit de le faire dans une démocratie et moi, je suis pour la liberté d'expression. Aller voir Le Pen, c'était de la provoc ? J'ai grandi à Dreux où j'ai toujours combattu le Front national, et Le Pen qu'on nous a toujours présenté comme le grand méchant loup. Avec le temps et après avoir vécu (moi- même) une diabolisation hors du commun, je me suis dit que l'image que voulaient nous renvoyer les médias de cet homme étaient peut-être exagérée. En tout cas, je voulais le voir de mes propres yeux et puis on ne fait la paix qu'avec ses adversaires. De quoi avez-vous parlé ? Il y a évidemment des sujets sensibles, vous êtes journaliste algérienne, et l'Algérie a été l'un des sujets abordés, notamment parce qu'il était pour « l'Algérie française », et c'était son projet politique… En réfléchissant bien, le peuple algérien est le seul à avoir résisté par les armes et gagné son indépendance par les armes, ce qui lui a coûté très cher. Le général de Gaulle était peut-être plus raciste que Le Pen puisqu'il refusait de donner la nationalité aux indigènes, à part le décret Crémieux qui accordait la nationalité et la citoyenneté aux juifs algériens. C'était simplement le critère religieux qui définissait l'appartenance. Finalement, la position de Le Pen n'était pas plus terrible que celle de de Gaulle qui avait dit : « Si on avait laissé donner la citoyenneté à un indigène algérien, un jour il y aurait un président de la République algérien en France. » On peut parler d'un génocide algérien et j'espère qu'au même titre que les autres, il sera reconnu. Je ne suis pas pour le culpabilisation des générations, mais pour la reconnaissance.