Hier, en début d'après-midi, le théâtre de la Main d'or (XIIe arrondissement de Paris) affichait complet. A la place des spectateurs, pour l'essentiel des journalistes venus entendre, voire passer sur le gril, l'humoriste Dieudonné sur les propos qui lui ont été attribués lors d'une conférence de presse à Alger. Selon le site « procheorient.com », il aurait comparé la shoah à de « la pornographie mémorielle ». Cette phrase a soulevé un tollé général. Dieudonné se présente, un exemplaire du Parisien à la main (celui-ci titrait à la une : « Nouveau dérapage de Dieudonné »), traverse une bordée de caméras et d'appareils photo et s'assoit face aux journalistes. « Je suis là pour me défendre de propos qui m'ont été attribués et que je n'ai pas tenus ». « La presse algérienne qui était présente n'en a pas fait écho. C'est normal, je ne l'ai pas dit. » « Je suis là pour faire le point sur une polémique grave. Pourquoi “procheorient.com” a-t-il fait cela ? Nous sommes dans une affaire RER D bis (allusion à la pseudo agression d'une jeune femme dans le métro par de jeunes Maghrébins, agression montée de toutes pièces par la jeune femme et sur laquelle la presse a fait ses gros titres). Je n'ai pas de leçon à donner, mais le propre d'un journaliste est de recouper une information. Vous avez repris une information fausse. Comment se fait-il que la presse se jette sur une information sans la recouper, comme dans l'affaire du RER D ? » « Est-ce que vous, journalistes, vous êtes-vous demandé qui il y a derrière ce site communautariste. Je les ai invités à venir aujourd'hui. Y a-t-il quelqu'un de “procheorient.com” ? » « Les accusations portées contre moi sont infondées en droit. J'espère que la justice fera toute la lumière sur cette affaire. J'ai eu 17 procès, je les ai tous gagnés. » « Cette accusation est grave pour moi, pour la sécurité de ma famille. Derrière, il y a des groupuscules violents qui se sont manifestés. » Dieudonné en appelle à la justice, il annonce que son avocat, maître François Roux, demandera au garde des Sceaux une enquête sur ceux « qui ont ajouté cette phrase ignoble ». « Je n'ai à aucun moment parlé de la shoah que je respecte. » Et joignant le geste à la parole, il fait entendre deux extraits de l'enregistrement de la conférence de presse d'Alger. « Pornographie mémorielle n'est pas mon terme, c'est celui d'une sociologue israélienne, Idith Zertal. Elle parle des commémorations excessives, de l'hypertrophie dans la communication autour de ce crime contre l'humanité, indigne, insupportable et que je n'ai jamais remis en cause. » La même question revient : « Dans quel contexte avez-vous parlé de pornographie mémorielle ? » Et Dieudonné de répondre chaque fois : « Je ne parle pas de pornographie mémorielle, mais d'hypertrophie de la communication sur les commémorations. Il y a un trop-plein de souffrance unique. La sociologue Idith Zertal dit : ma souffrance appartient à l'humanité. » Et il ajoute : « Y aurait-il un crime plus important qu'un autre ? Comment se fait-il qu'il y ait un traitement différencié ? Il n'y a pas de compétition, ni de comparaison, mais un crime est un crime. J'ai évoqué le devoir de mémoire de chacun. Comment se fait-il qu'il n'y ait pas de commémoration de 4 siècles d'esclavage ? » « Je me bats pour l'ouverture des frontières à l'intérieur de la citoyenneté. Je n'ai pas d'autres identité que française. Je respecte tous les cultes. Mon combat, c'est le racisme, le communautarisme. Quel signal nous envoie-t-on alors que nous célébrons un siècle de laïcité ? » « Le CRIF, le CFCM, on a l'impression que ce sont eux les interlocuteurs de la République. » Et il s'interroge et interroge : « En quoi, moi bouffon de la cour, je suis un danger ? » « Je suis un universaliste. L'humanité est une et indivisible. Le danger en France, c'est le repli communautaire, je suis un homme sans frontières. Je suis agressé par un site communautaire qui veut se battre au sein de la République pour une communauté. La France va-t-elle se communautariser ? » « Une interdiction de parole devient très vite une interdiction de penser », fait remarquer une personne dans la salle. Aussi Dieudonné met-il à la disposition des journalistes l'enregistrement de la conférence de presse animée mercredi 16 février 2005 à la salle Ibn Khaldoun d'Alger.