La participation de la ministre italienne du Commerce extérieur, chargée des affaires européennes, Emma Bonino, a donné au Forum économique, organisé par la Confédération générale des industriels italiens (Confindustria) et l'Institut du commerce extérieur italien (ICE) à Alger, une dimension plus humaine qui s'éloigne de l'ambiance aseptisée des rencontres du monde des affaires. Vous avez affirmé, lors du forum de Confindustria, que cette mission algéroise marquait le début d'une nouvelle ère du partenariat avec l'Algérie. Dans quel sens ? Cette mission a été préparée de longue date et minutieusement par notre ambassade à Alger et par l'ICE afin d'aider l'Italie et les producteurs italiens à dépasser les préjugés qui collaient à l'image de l'Algérie. Vous savez, dans notre imaginaire collectif, l'Algérie est seulement un pays exportateur de gaz et sans autres atouts attractifs. Mais durant ces derniers mois, et grâce aux visites politiques d'abord, et ensuite avec cette mission très importante des entrepreneurs italiens, couverte par les médias italiens, l'Algérie a recouvré une autre image, celle qui lui est propre. C'est-à-dire, celle d'un pays qui, bien évidemment, reste un grand exportateur de gaz, mais qui investit dans une politique de privatisation qui touche d'autres secteurs, dont la formation, l'éducation, la PME, l'artisanat… Ces choix sont des paramètres de développement économique, mais aussi d'épanouissement social. Et comment voyez-vous l'apport de l'industrie italienne à ce développement de l'Algérie ? Vous savez, la petite et moyenne entreprises représentent un créneau qui porte en son sein l'emploi, et là où les gens vivent sans devoir les déplacer vers les grandes métropoles. C'est le modèle italien qui est à l'origine de la prospérité réalisée dans toutes les régions de la péninsule et qui a beaucoup d'avantages et très peu d'inconvénients. J'espère, pour ma part, avoir réussi à communiquer à notre opinion publique mon impression de l'Algérie. Celle d'un pays qui réalise un taux de croissance encourageant et qui veut, malgré cela, diversifier ses activités économiques et ne pas faire dépendre sa croissance uniquement de l'exportation des hydrocarbures. Cela signifie que l'Algérie veut avoir une emprise volontariste sur son devenir économique en investissant dans la formation, l'éducation, l'emploi… Autrement dit, la valorisation des grandes ressources qui existent chez vous, tout comme chez nous, c'est-à-dire principalement le capital humain. Le ministre algérien Medelci a sollicité dans son intervention, dans ce forum, l'appui des autorités italiennes pour promouvoir les efforts de l'Algérie dans le cadre de l'Accord d'association avec l'Europe. Que peut faire l'Italie pour soutenir l'Algérie au sein de l'Union européenne ? Cela peut se faire à travers le rôle fédérateur de l'Italie dans la région du sud de l'Europe. On peut impliquer l'Espagne par exemple pour créer la Banque méditerranéenne pour l'investissement qui est une idée déjà évoquée, mais qu'on doit remettre à l'ordre du jour. Ensuite, je pense que plusieurs gouvernements des pays voisins, comme la France par la voix du nouveau président Nicolas Sarkozy, partagent la conviction que la zone Méditerranée doit rester la priorité pour nos projets de coopération. Pour ce qui me concerne, je reste certaine que c'est à nous, gouvernements des pays du sud de l'Europe, d'imposer le sud du bassin méditerranéen comme priorité. Par ailleurs, c'est cette approche de partenariat qui favorise la notion d'équilibre dans les rapports multilatéraux pour l'Europe qui ne peut être orientée dans ses choix économiques et commerciaux, seulement vers les régions du nord et de l'est du vieux continent. L'Europe doit regarder davantage à sa proximité immédiate, son voisinage géographique et ses intérêts très importants dans la région. Pas seulement d'ordre économique, mais également au niveau de la stabilité du bon voisinage. Faire de la Méditerranée une zone évidemment plus stable et plus ouverte et aussi économiquement plus prometteuse. Personnellement, je crois déceler toutes ces conditions dans notre partenariat avec l'Algérie. Bien sûr, ce n'est pas au gouvernement de se substituer aux entrepreneurs, mais je crois que la partie du forum, consacrée au « business to business » et qui a vu mille rencontres organisées à la foire entre entrepreneurs algériens et italiens, donnera lieu à un nouveau départ pour l'investissement de notre pays en Algérie. Vous vous êtes félicité de la tenue récente d'un Forum économique des femmes entrepreneurs à Milan. Comment le ministère que vous guidez peut-il faire bénéficier les Algériennes managers de l'expérience de votre patronat ? Lors de mon séjour à Alger, j'ai eu l'agréable occasion de revoir ces femmes dirigeantes d'entreprises algériennes qui étaient venues à Milan. Nous avons débattu ensemble du projet d'organiser un cycle de formation à leur profit. L'idée étant de tenir une formation qualifiée et un stage pratique au sein d'entreprises italiennes. Nous sommes en train de travailler ensemble pour cibler le secteur, dans l'artisanat, les services ou autre… Pour notre part, dès janvier prochain, notre ministère mettra un financement pour ce faire à la disposition de ce projet qui sera conçu d'après une étude qualitative, qui devra répondre aux exigences des femmes entrepreneurs et selon les critères de la mondialisation qui dictent une formation conforme à ce qu'il y a de plus ajourné en matière de gestion des entreprises. Cela aussi représente un excellent moyen pour débuter une nouvelle ère de coopération entre nos deux pays.