Nous avons tout fait pour amorcer un dialogue sérieux et constructif avec le ministre afin de faire aboutir nos revendications et éviter ainsi les solutions extrêmes, mais notre interlocuteur ignore nos démarches et des cercles agissent dans le sens à rétrécir davantage la liberté et à réduire les droits de la défense. Nous avons donc été obligés d'exprimer notre colère par des actions de protestation. » La déclaration, faite jeudi dernier à Boumerdès par le président de l'Union des barreaux d'Algérie (UNBA), Me Abdelmadjid Selini, à El Watan, explique pourquoi les avocats ont opté pour une grève générale demain. Ce qui s'est passé à Sidi Bel Abbès (un avocat poursuivi en justice pour outrage à magistrat pour n'avoir fait que défendre un justiciable) est juste la goutte qui a fait déborder le vase, à entendre Me Selini. Car il ne se passe pas un jour sans que des violations graves des droits de la défense ne soient enregistrées, appuient tous les bâtonniers venus assister aux travaux du séminaire sur la loi pénale algérienne qui s'est tenu durant deux jours à l'hôtel Soummam, à l'ex-Rocher noir. Le président de l'UNBA déplore le blocage du statut de l'avocat, l'absence d'espaces réservés aux robes noires dans les cours et les tribunaux, l'inexistence d'un programme de formation continue au profit des avocats au même titre que les magistrats. Mais Me Selini se dit d'autant plus préoccupé que la réforme de la justice, que l'on met en avant à chaque fois que l'on aborde ce sujet, ne s'est réellement occupée que de petites touches matérielles, telles que la délivrance des documents plus rapidement et le traitement des affaires dans des délais plus réduits. Mais là, le représentant des avocats algériens s'interroge sur la manière dont sont « liquidées » ces affaires. « C'est la qualité du travail qui compte pour la justice. Car nous sommes persuadés qu'un magistrat qui a des piles de dossiers à traiter en un laps de temps très court ne travaille pas dans de bonnes conditions. » Abordant les « entorses à la loi qui généralement donnent naissance à des conflits entre les avocats et les personnels de la justice », le bâtonnier d'Alger ne revendique rien moins que l'observation stricte de la loi. « Il faut que chacun se limite à l'exercice de son travail, sans excès de zèle ni autre débordement », nous a déclaré Me Selini. Dans ce sillage, le président de l'UNBA dit que la corporation est outrée par le fait que même les recommandations et les directives du président de la République formulées en mars 2006 lors de la conférence nationale des avocats à Alger ne sont pas respectées. Le bâtonnier plaide en tout pour une indépendance totale de la justice et refuse de voir les magistrats travailler sous des directives émanant d'en haut. Des critiques relatives au fonctionnement de la justice qui s'ajoutent à celles apportées aux amendements de la loi pénale qui « renferme beaucoup d'insuffisances ». Me Selini nous a déclaré que l'union qu'il préside va se réunir en assemblée générale juste après la grève de demain pour décider des suites à donner à leur mouvement de protestation. « Sans une justice solide et équitable qui assure le plein droit des justiciables à une défense aussi solide et libre, le pays est condamné à l'échec », soutiennent les bâtonniers réunis à la fin de cette semaine à Boumerdès.