La pluviométrie exceptionnelle de cette année aura fait tout de même quelques heureux. Car, après les nombreux dégâts causés aux cultures maraîchères et fruitières, dont El Watan s'était fait l'écho à maintes reprises, il était attendu que quelque part, cette manne céleste puisse rendre quelque espoir chez une paysannerie fortement malmenée par les aléas du marché. L'un des premiers avantages est incontestablement celui relatif au renouvellement de la nappe phréatique. Les trombes d'eau qui se sont abattues sur la région durant la fin de l'hiver et une grande partie du printemps auront servi essentiellement à alimenter les eaux souterraines. Leur parfaite répartition durant toute cette période aura également permis d'assurer une irrigation régulière et homogène de l'ensemble des cultures, y compris celles cultivées en sec. Comme c'est le cas pour les fourrages et les céréales d'hiver. C'est grâce à cette pluviométrie particulière que ces grandes cultures parviendront à assurer un cycle végétatif sans accrocs, aucun. Pendant que les fruitiers et les champs de pomme de terre et d'oignons abdiquaient face à des attaques répétées de gelée noire et de mildiou, céréales et fourrages continuaient à se gorger d'une eau précieuse. La plupart des fellahs qui avaient emblavé en blé, orge et avoine commençaient à se frotter les mains. Car sur le grand marché de Mesra, les bottes de fourrage de bonne qualité ne se négociaient guère en dessous de 400 DA. Toutefois, les faibles températures enregistrées durant les mois d'avril et de mai, allaient perturber dangereusement les cycles culturaux. En effet, la maturité des foins et des orges allait, pour la première fois depuis plusieurs décennies, marquer un décalage qui s'avèrera très difficile à combler. En effet, la région de Sirat qui se prolonge par la plaine des Bordjias jusqu'aux confins de la Macta, était considérée comme étant la plus précoce du bassin méditerranéen. Pour rappel, durant l'année 2006, les premières moissons auront débuté à partir du 10 mai. Durant l'année en cours, il aura fallu attendre la dernière semaine de mai pour entamer avec une certaine nonchalance les premières moissons. C'est incontestablement ce contretemps qui allait totalement bouleverser l'organisation des moissons dans toute la région oranaise. Car, à la faveur des dernières chaleurs, ce sont toutes les régions précoces qui rentrent à maturité en même temps. C'est ce regroupement des récoltes qui va complètement déstructurer l'organisation jusque-là immuable des campagnes de moissons battages et de fenaison. Le parc des botteleuses à foin et des moissonneuses batteuses n'étant pas extensible, il fallait s'attendre à des tensions durant toute la campagne. C'est ainsi que les premiers signes d'énervement se feront jour du côté des plaines et des collines où certains fellahs se résigneront à revenir à la bonne et vieille technique de la moisson à la faucille. Las d'attendre l'hypothétique arrivée de l'imposante moissonneuse batteuse et sans doute bousculés par les ravages provoqués par les moineaux –qui se donnent à coeur joie d'égrainer les épis ployant sous le grain, causant ainsi d'énormes pertes-, nombre de fellahs sortiront leur vieil attirail, afin de parer au plus pressé. Un parc vieillissant Le même phénomène sera observé sur les champs de fourrages où la concentration de la demande fera voler en éclats l'organisation en place. De toutes parts, la demande se fera de plus en plus pressante. Ce qui se traduira très rapidement par une augmentation très sensible des prix de prestation. C'est ainsi que le coût horaire d'une moissonneuse batteuse atteindra 2 000 DA. Une aubaine pour les heureux propriétaires de ces lourdes machines qui, parfois, ne servent que durant deux mois de l'année. Rappelons que ces engins sont produits par PMA, une entreprise publique installée à Sidi Bel Abbès, qui les cèderait à pas moins de 7 millions de DA. Soit l'équivalent d'une PME ambulante qui nécessite un entretien spécieux et onéreux. Par ailleurs, lorsqu'elle opère dans des zones à forte humidité ambiante, la moissonneuse batteuse éprouve d'énormes difficultés à effectuer soigneusement son travail. Seule une ambiance sèche et chaude permet de moissonner de jour comme de nuit. Force est de constater que sur l'étendue de la bande côtière, les forts taux d'humidité réduisent considérablement la période d'intervention. Ce sont les rosées nocturnes et matinales qui rythment cette opération. Parfois, la machine n'est efficace qu'entre 9 heures et 17 heures. Rares sont les journées où l'opérateur peut travailler durant plus de 10 heures d'affilée. Car en plus de la nature, ce sont les pannes sur les multiples et complexes mécanismes qui peuvent immobiliser intempestivement la machine. L'Algérie qui dispose d'un parc vieillissant de moissonneuses batteuses, n'est plus en mesure d'assurer dans les délais le ramassage de ses récoltes. Encore heureux que ces engins d'un autre âge soient en mesure– par la grâce du génie de ces pionniers qui les conduisent et les entretiennent depuis tant d'années- de soulager les fellahs céréaliers d'une opération qu'ils sont de plus en plus rares à pratiquer manuellement. Malgré les coûts qui peuvent paraître excessifs à certains, il est agréable de constater que dans la région de Mostaganem la moisson sera bonne, voire par endroits, très bonne. Après les déboires et les aléas techniques, beaucoup de paysans ne cachent pas leur satisfaction d'engranger parfois jusqu'à 20 quintaux/hectare.