L'Algérie est en phase de renverser la tendance dans la production de ciment blanc. Dans moins de 100 jours, la cimenterie de Sig sera en mesure non seulement de satisfaire la demande intérieure mais pourra également exporter jusqu'à 350.000 t de ciment blanc. Ce renversement de tendance est à mettre au crédit de la CIBA appartenant au groupe égyptien Orascom dont le projet de cimenterie aura nécessité un investissement de 500 millions de dollars. Si lors de sa mise en place l'usine aura nécessité le recrutement temporaire de 4000 travailleurs, lors de son entrée en production elle mobilisera un effectif de 1000 permanents en emploi direct. L'impact sur le plan social se traduira par la création de 8000 emplois indirects, alors que sur un aspect strictement économique, ce sera la satisfaction de la demande intérieure et l'exportation de 65% de la production. La petite commune agricole de Oggaz située sur les bords marécageux de la Macta, non loin de Sig est en train de préparer son entrée dans la cour des grands producteurs de ciment blanc. La région qui connaissait une splendeur certaine du temps où l'oléiculture et le maraîchage faisaient majoritairement partie de la spécificité locale, avait totalement périclité sous les assauts soutenus et conjugués de la sécheresse et du chômage. L'absence d'une réelle politique de réhabilitation des vergers et la dislocation des fermes autogérées en petites exploitations individuelles non viables allaient inévitablement provoquer un exode rural sans précédent. Au fil des trois dernières décennies, la campagne allait se vider de sa substance nourricière. Ce phénomène s'accentuera à la suite de la quasi disparition de toute activité industrielle que la dynamique cité de Sig connaissait auparavant. Mais depuis plus d'une année, lorsque les premières pelleteuses feront leur apparition à la lisière de la montagne des Chorfas, là où la plaine vient ostensiblement installer sa plate rigueur dans les chaumières de Oggaz et de Ahl Ouanane, une excroissance d'un vieux douar, ce sera la véritable ruée vers l'or. Rapidement, les champs qui jadis peinaient à produire quelques orges et autres petits pois, dont les rendements - en raison d'une pluviométrie très aléatoire et d'une maîtrise technique plus que rudimentaire - se laisseront envelopper par d'épaisses couches d'une poussière blanche dont la finesse permet toutes les extravagances. De la montagne toute proche, les premiers excavateurs mettront à jour une richesse jusque-là totalement insoupçonnée. Sous une garrigue parcimonieuse où le genêt le partage aux palmiers nains, se cachait un véritable trésor. En effet, après avoir dégagé la chétive flore qui s'accrochait durement à un sol ingrat et superficiel, les engins mettront au jour un véritable gisement d'un calcaire d'une rare blancheur. La roche friable à l'extrême n'offre aucune opposition à des engins qu'une main-d'œuvre hautement qualifiée manie avec une grande dextérité. Car sur un total de 4000 travailleurs et cadres, plus de 90% sont autochtones. Recrutés pour la plupart dans les agglomérations limitrophes, ces ouvriers auront quelques difficultés à s'adapter au rythme imposé au chantier par les responsables égyptiens. Sitôt recrutés - après des années d'un insoutenable chômage - la majorité des employés déclencheront un large mouvement de grève qui aura raison de la dynamique recherchée. En effet, l'étude rondement menée prévoyait la livraison des différents ateliers après seulement 18 mois de montage. Lancée en octobre 2005, l'usine aurait dû démarrer la production en mai 2007. Un pari que sera légèrement différé en raison de blocages internes au chantier. Nos interlocuteurs égyptiens -plus diplomates que des cadres et des ouvriers algériens rencontrés sur le site - argueront de difficultés extérieures. C'est ainsi qu'un ancien cadre dans une société nationale soulignera sa grande satisfaction de travailler sur cet impressionnant chantier où il dira avoir appris énormément en un laps de temps très court. Lorsque nous abordons avec lui la question de la rémunération il préférera l'éluder par une parabole toute orientale qui en dit long sur sa disponibilité à adhérer entièrement au projet. Lui-même ne partageant pas les revendications de ses compatriotes qu'il trouve démesurées, injustifiées et surtout maladroites en ce sens que certains n'auront pas hésité à se lancer dans une grève après seulement 3 jours d'activité. Une production tournée vers l'exportation Heureusement que la situation finira par se normaliser, non sans avoir entraîné un allongement d'un mois sur le planning des travaux. Un contretemps que nos interlocuteurs égyptiens assument avec beaucoup de philosophie. Car à l'extérieur de la cabine saharienne qui tient lieu de bureau, M. El Mallah, le jeune chef de projet, ne tarit pas d'éloges à l'égard de notre pays et de sa belle et luxuriante nature. Habitué aux standards internationaux, le staff technique du projet est conscient que le plus dur est passé. Le chantier qui tourne à un rythme accéléré est la meilleure preuve qu'une performance est au bout de l'effort. Car si l'avancement des travaux ne subira qu'un décalage d'un mois sur le calendrier initial - ce qui est une sacrée performance pour un projet d'une telle envergure - le marché très attractif du ciment blanc absorbera sans difficulté les 550.000 tonnes qui sortiront annuellement de l'usine. Car dès son entrée en production, prévue pour le mois de juin prochain, la cimenterie de Oggaz sera rapidement en mesure de couvrir la totalité de nos besoins en ciment blanc que l'on évalue à 200.000 tonnes. Ce qui mettra notre pays définitivement à l'abri des importations. Dès que l'usine atteindra son rythme de croisière, elle pourra rapidement mettre sur le marché international pas moins de 350.000 tonnes d'un ciment blanc qui n'aura rien à envier à celui produit en Tunisie ou ailleurs. Cette activité aura un impact considérable sur la région. En effet, la manipulation d'un tonnage aussi élevé va se traduire par la mise à contribution des structures portuaires d'Oran, d'Arzew et de Mostaganem. Par ailleurs, le chemin de fer ainsi que le réseau routier seront également sollicités pour acheminer le ciment destiné à l'export vers l'un ou l'autre de ces ports. De formidables perspectives pour ces différents secteurs de l'économie nationale. L'impact sur la région ne sera pas négligeable notamment en matière de recrutement, de restauration, de transport du personnel, de création de structures de scolarisation et de santé pour l'ensemble du personnel et des cadres. Actuellement, pas moins de 80 autocars sont loués à des particuliers afin de transporter le personnel chargé de l'exécution du projet. Surprenante rareté de l'eau La région de Sig était connue pour ses ressources en eau depuis l'antiquité. Traversant les monts des Chorfas, l'oued Mekkera, qui prend sa source dans les monts de Daya, au sud de Sidi Bel Abbès, constitue la principale ressource hydrique. Un barrage aura été érigé dès l'antiquité afin d'arroser la plaine qui s'étale jusqu'aux abords des marais de la Mactaa. Cette relative opulence sera mise à profit par les habitants pour développer une agriculture prospère essentiellement oléicole. Cette légende d'une présence d'une eau en abondance aura totalement rassuré l'opérateur égyptien sur les potentialités hydriques de la région. Mais qu'elle ne fut leur surprise lorsque sur place ils se rendirent à l'évidence que si le calcaire et l'argile, les deux principales matières premières, étaient présentes en abondance, il n'en sera pas de même pour l'eau. Une denrée si rare que même l'oliveraie continue d'en subir les caprices. Ce fut certainement la plus grosse surprise pour le chef de projet qui devra donc trouver l'eau indispensable à son usine. C'est pourquoi, le projet initial sera revu et corrigé afin de rendre l'eau disponible. Pour ce faire, il faudra prévoir la construction d'une canalisation spécifique sur une distance de 25 km afin d'amener l'eau jusqu'à l'usine. Un autre défi que les responsables du projet sauront relever dans des délais raisonnables. En effet, si l'eau douce se fait de plus en plus rare dans la région, l'eau saumâtre ne manque point. Il suffit simplement de creuser dans cette immense plaine de la Mactaa pour trouver de l'eau en abondance. Le choix du chef de projet sera porté sur l'agglomération de Laalamya, sur la rive gauche du marais. Mais en raison de la teneur élevée en sels de l'eau, il fallait construire pas moins de 3 unités de dessalement qui coûteront à l'investisseur 7 millions de dollars supplémentaires. Traditionnellement, il faut 35 litres d'eau pour produire un kg de ciment. Le procédé de fabrication selon la voie humide usitée encore dans les anciennes cimenteries - nécessitant entre 1000 et 2000 litres d'eau en voie humide pour réaliser une tonne de ciment - aura cédé le pas devant la voie sèche qui peut réduire jusqu'à 10 fois les quantités d'eau utilisées selon l'ancien procédé. Des économies qui ne seront pas de trop dans cette région agricole qui reçoit entre 300 et 400 mm d'eau de pluie et qui ne dispose d'aucun barrage d'envergure, dans un rayon de 200 km, à même de répondre à la forte demande. Ce qui devrait inévitablement inciter les responsables de l'usine à s'équiper d'une station de traitement des eaux afin de recycler l'eau et la remettre dans les circuits en fonction des besoins. La cimenterie de Huabei, près de Pékin, en est un bon exemple. Construite par le Français Lafarge, cette usine dispose d'un système de recyclage de ses eaux usées qui permet - grâce à un astucieux transit à travers plusieurs bacs de décantation et de traitement biologique - d'obtenir une eau qui servira à l'entretien des nombreux espaces verts qui bordent l'usine. Selon nos interlocuteurs, l'unité disposera d'une station de traitement des eaux ultramoderne. Ce qui devrait donner des idées aux agriculteurs du coin qui seraient certainement tenté de recourir à ces eaux pour élargir leur gamme de cultures maraîchères et fruitières. Le site étant situé en dehors du périmètre irrigué, la récupération des eaux recyclées devrait permettre la mise en valeur de plusieurs dizaines d'hectares. En effet, à raison de 300 litres/tonnes, l'usine pourra rejeter pas moins de 150 millions de litres par an. L'équivalent d'un grand barrage de l'envergure de celui en construction sur le Chéllif et qui devrait alimenter le système MAO. Ce qui explique la volonté des responsables du projet de procéder à un recyclage interne systématique des eaux issues du process. Préservation de l'environnement La majorité des cimenteries en activité à travers le monde sont régulièrement confrontées aux problèmes des rejets de poussières et de gaz. Les industriels auront compris depuis fort longtemps que cette déperdition peut être la cause d'énormes pertes financières qui peuvent largement entamer la rentabilité. Pour l'usine de Oggaz, on nous assurera que pas moins de 70 puissants électro-filtres permettront de capter les poussières et de les réinjecter dans le procédé de fabrication. Concernant les autres rejets de gaz ou de métaux, le recours à un suivi systématique et régulier ne sera pas de trop. Cependant, l'industrie du ciment rejette jusqu'à 600 kg de CO1 par tonne de ciment produite ; les fours nécessitant une température de 1450 °C. En fonction des spécificités des matières premières et des processus de fabrication - voie sèche ou voie humide - la teneur en oxydes de souffre et en oxydes d'azote doivent être maintenues entre 1200 et 1800 mg/m3 de gaz émis. Des limites que l'opérateur ne pourra dépasser sans nuire sérieusement à l'environnement. Nos interlocuteurs semblaient rassurés sur la maîtrise des niveaux de nuisance. Ce qui n'empêche pas nos chercheurs et nos universitaires de s'impliquer dans la surveillance et la maîtrise des rejets. L'entrée en production de la cimenterie Ciba de Oggaz devrait également ouvrir de nouvelles perspectives à l'expertise nationale. Les managers du projet y semblent favorables.