Ce journal que vous avez entre les mains n'est pas un ouvrage d'histoire, pas même une contribution à son écriture, même si les plumes des historiens parmi les plus prestigieux se rencontrent et s'entrechoquent, allant à la rencontre de ceux qui, il y a cinquante ans ou plus, ont écrit les plus belles pages du grand livre de l'Algérie. Ce modeste travail se veut plutôt une contribution à la lecture de l'histoire nationale, matière orpheline, s'il en est, tant elle a fait l'objet de manipulations, triviales parfois, pour la voir se prosterner devant les seigneurs du moment. La mettre au service des intérêts du présent qui en a rarement la dimension épique. Mais, têtue comme les faits qui la composent, elle resurgit inlassablement déversée par les souvenirs intarissables des acteurs et des témoins et par la soif inextinguible de savoir, comprendre, expliquer, analyser et interpréter les actes et les choses, qui animent les chercheurs, ces inlassables mineurs de la mémoire. Le 1er Novembre 1954 est la résultante dans le sens physique du terme, de contractions historiques et de torsions sociales qui ont tourmenté ce pays et son peuple durant plusieurs siècles, même si, de façon conventionnelle, on renvoie la colère à la seule colonisation. Il ne s'agissait ni d'une insurrection ni d'une rébellion, mais d'une véritable révolution, avec tout ce qu'elle comporte de ruptures avec le passé le plus lointain. La rupture avec toutes les formes de domination. Les écrits qui vous sont proposés dans les deux numéros spéciaux d'El Watan tentent d'ouvrir de nouvelles perspectives dans le débat autour de ce que Fanon désignait sans ambages par le terme de Révolution à l'exclusion de tout autre. Ouvrir de nouvelles fenêtres, c'est élargir le champ de vision. C'est comprendre mieux. Nous avons organisé notre travail en deux vastes chapitres. Le premier sollicite la mémoire et les faits tels que vécus par de véritables héros, survivants, pour ne pas dire miraculés, de l'un des plus âpres conflits du XXe siècle. Ils nous montrent avec une extrême humilité que l'on n'a pas toujours besoin de mourir pour être un héros aux yeux des siens. Le second volet est consacré à l'Histoire, avec toute sa pédagogie, sa didactique, celle qui triture les faits, les décompose, les désagrège en particules qui s'analysent. L'histoire qui se partage comme un destin. Celle qui rassure. El Watan