Le colonel Mouammar Kadhafi semble avoir abandonné définitivement le projet de l'Union du Maghreb arabe (UMA) au profit d'une union fédérale africaine. S'exprimant à l'ouverture, hier à Tripoli, de la rencontre de deux jours des efficiences africaines sur la création d'un gouvernement fédéral de l'Union africaine (UA), le guide de la révolution libyenne a clairement exprimé ses appréhensions quant à l'avenir du processus de l'édification de l'UMA. « L'Algérie et le Maroc sont presque en guerre », a-t-il indiqué, faisant allusion à leur désaccord profond sur le Sahara occidental. Le colonel Kadhafi trouve ainsi qu'il est « impossible » d'aspirer à l'unification des pays du Maghreb dans la situation actuelle. « Le Sahara occidental pourra comme il ne pourra pas obtenir son indépendance », a-t-il ajouté, émettant des doutes quant à l'issue des négociations entre les deux parties au conflit, à savoir le gouvernement marocain et le Front Polisario. Il évoque, dans le même contexte, le conflit entre l'Ethiopie et l'Erythrée qui s'enlise davantage, qualifiant ce « conflit fratricide » d'« acte satanique » qu'il faut bannir en Afrique. Pour le guide libyen, de tels conflits ne pourraient être dépassés que dans un cadre plus global : un gouvernement africain, même si, précisera-t-il, un pays comme le Maroc ne fait pas partie de l'UA. Regrettant le recours aux armes pour des problèmes internes dans certains pays africains, le colonel Kadhafi suggère de doter l'UA d'un gouvernement qui permettra au continent noir de parler d'une seule voix. La proposition de Mouammar Kadhafi, qu'il soumettra au prochain sommet africain qui se tiendra les 28 et 29 du mois courant au Ghana, s'inscrit dans un projet qui lui est cher : la création des Etats-Unis d'Afrique. Il est temps, indique-t-il, que les Africains parlent d'une seule voix et unissent leurs forces pour protéger les intérêts de leurs peuples. « Aucun pays africain pris isolément n'a une grande capacité de négociation devant les grands pays européens ou américains », a-t-il soutenu. Poursuivant son intervention, le guide libyen a passé en revue les torts subis par l'Afrique que « les Européens considéraient avec mépris ». Il estime que les Européens se sont approprié le continent après l'avoir colonisé, insistant sur la nécessité que les Etats africains doivent préserver leur indépendance. La meilleure manière pour lui, c'est l'union. « L'Afrique dispose de richesses humaines et naturelles qui lui permettront d'être une force dans le monde », a-t-il précisé. Le guide libyen regrette au passage que certains pays, dirigés par des gens soumis aux grandes puissances et travaillant leurs intérêts, restent « non convaincus » de la nécessité de créer un gouvernement d'union. Il se félicite cependant du soutien de sa proposition par le Sénégal et le Soudan. Le projet de la constitution d'un gouvernement africain, s'il vient à être concrétisé, s'ajoutera à deux autres instruments déjà existants, à savoir le Parlement et la cour africaine de justice. La rencontre des efficiences africaines a vu la participation de parlementaires algériens, à l'image de Boudjemâa Souileh, président de la commission des relations extérieures du Conseil de la nation.