L'idée séduit aussitôt le barde kabyle qui imagine le concept d'un album tournant autour de l'idée d'une France de toutes les couleurs, alors même que le débat politique ne s'est pas encore engagé autour de la notion d'identité française promue au rang d'un ministère. Idir se met au travail en constituant un casting de premier ordre qui va de Grand Corps Malade alias Fabien, à Pascal Obispo, en passant par Nadiya, Disiz la Peste, Tryo, Sinik, Féfé et Leeroy, entre autres, auxquels s'ajouteront du « lourd » en l'occurrence Yannick Noah, Zinedine Zidane — avec lequel Idir est très lié — et Thierry Henry. Sorti le 4 juin, « Idir — la France des couleurs » est déjà classé au 18e rang du Top-album établi sur les 100 premières ventes. Le voilà donc promu très tôt au disque d'or et ... plus si affinités ! Pour célébrer cette sortie, Berbère TV, la chaîne communautaire en tamazigh, a convié les journalistes à une conférence de presse qui s'est tenue dans ses locaux à Montreuil, près de Paris. Interrogé d'emblée sur la notion d'identité française, Idir — Hamid Cheriet pour l'état civil — a précisé, qu'à ses yeux, l'identité n'est pas un concept fixe ou figé, et qu'elle est appelée à évoluer dans le temps, voire à être remise en cause. La France des mélanges et du métissage est, pour lui, un fait sociologique. Il ajoutera même à propos d'une Europe balbutiante dans sa construction, qu'elle est déjà une réalité au plan de la musique. « Les idéologies, dira-t-il, naissent et meurent... alors qu'une bonne chanson sera toujours là ». Il insistera sur la communauté africaine souvent minorée dans ses apports. Thawra izguane thi tlam, chante-t-il dans cet album (ta descendance est demeurée dans l'obscurité). « La France des couleurs défendra les couleurs de la France » proclame le refrain de la chanson titre. A une question concernant son rapport avec l'Algérie, il affirme avec force : « Je suis de nationalité algérienne ! Certes, je suis né français, mais l'Histoire m'a fait algérien. Donc je reste très proche de mon pays. » Revenant à la France des couleurs, il fait remarquer que l'identité française en soi n'existe pas. « Seule existe la Nation, qui rassemble des gens venus d'horizons divers et qui ont en commun les valeurs de la République ! » Et à quand une Algérie des couleurs ? « J'ai toujours pensé que l'Algérie est une et indivisible. Mais je m'inscris plutôt dans une Algérie de l'exigence et de la revendication. » Il rappellera au passage le paradoxe des années 1960, lorsque l'Algérie était le plus ferme soutien aux mouvements de libération dans le Tiers-Monde, tandis que sur la scène nationale, la culture berbère était brimée. « Ma mère ne se reconnaissait pas dans son propre pays. Un comble ! Aussi, alors que je n'en faisais pas une vocation, je suis devenu artiste et chanteur pour dire cette culture que certains clans ne voulaient pas voir se développer. » « Je suis berbère d'identité, ajoutera-t-il, je peux le prouver sociologiquement et historiquement. Aux autres de se définir si tant est qu'ils le peuvent. » Il dira à ce propos que, pour lui, un Arabe est un habitant de l'Arabie. Concernant sa non-venue en Algérie pour s'y produire en concert, il évoquera des tentatives avortées pour des raisons techniques, le fait aussi qu'on lui ait proposé de participer dans le cadre d'Alger, capitale de la culture arabe (ce qu'il a refusé en termes idéologiques) et le fait aussi qu'il nourrit des appréhensions à l'égard d'un nouveau public qu'il dit très mal connaître en termes d'habitudes et d'attentes. A écouter l'album, on est conquis par la manière avec laquelle tous les artistes intervenants — y compris Idir, pourtant fédérateur du projet — ont su s'effacer devant la force de ce concept « France de toutes les couleurs ». « Je viens de là où on m'aime » dit avec talent, l'un des morceaux de ce riche album qui comptera dans le parcours toujours pertinent et cohérent d'un artiste, dont Zidane a dit un jour qu'il l'aimait, autant que l'homme qui l'incarne...