L'enfant d'Ath Yani (Béni Yenni) , le chanteur kabyle le plus célèbre sur la scène internationale, Idir, vient tout juste de signer un nouvel opus. Pour un événement s'en est un, car l'interprète, de A vava Inouva, paraphe, ainsi, son quatrième album en trente années de carrière ! La France des couleurs est l'intitulé de cet opus sorti le 04 juin dernier en France. Dans cette œuvre musicale, le chanteur, de son vrai nom, Hamid Cheriet, y a invité un panel d'artistes aussi métissé que les styles présents sur l'album. Entre rap, slam et reggae, Idir donne à écouter un style aussi nouveau que mélodieux. La France des couleurs est donc dans les bacs. Les fans du chanteur algérien attendaient ce moment depuis 1993, date à laquelle était sorti Les chasseurs de lumière, son dernier album original. C'était son troisième… en vingt ans. Depuis, il a collaboré avec Khaled, Goldman ou Cheb Mami, et a même enregistré un album de reprises de ses succès, avec de talentueux invités, sur Identités. Mais pas de titres originaux. Au point qu'un fan plein de respect lui a demandé de façon un peu abrupte, en 2001, lors d'un concert promotionnel parisien, si " la source Idir s'est tarie ". Elle ne s'est pas tarie mais Idir n'en contrôle pas le débit. Alors il attend. Et si l'inspiration n'est pas au rendez-vous, les nombreux fans de l'enfant d'Aït Lahcène, dans la région de Tizi Ouzou, sont toujours honorés de faire un tour de chant avec lui. Dans La France des couleurs, ce sont des dizaines d'artistes, de Tiken Jah Fakoly à Nadiya, en passant par… Zinédine Zidane, qui l'ont rejoint. Même Sarkozy et Royal l'ont sollicité pour les présidentielles. A croire que le premier n'avait pas écouté son dernier opus : le chanteur français Guizmo s'y demande " ce qu'a fait l'homme du ministère " et se désole avec Idir : " Ma terre de France a expulsé mon père... " Dans un entretien accordé à Afrik.com Idir se présente aux gens qui ne le connaissent pas, ainsi : " Je dirais que je fais de la musique. Je dirais que je chante en Kabyle… pas que je fais de la musique kabyle. Peut-être l'était-elle au début mais elle évolue. Pour le chanteur le plus populaire de Kabylie, la musique, est une activité plus qu'un métier. Je fais un métier qui est venu à moi. Je ne l'ai pas fait par vocation. D'ailleurs, je n'en remplis pas les critères. Je suis d'une timidité maladive et c'est tout juste si je ne m'excuse pas d'être là. Alors qu'il faut pousser des portes et s'imposer dans ce métier… Si ça avait été un métier, je n'aurai pas fait que trois albums. J'ai eu la chance inouïe d'avoir fait les chansons qu'il fallait. J'implorais Dieu pour que cela continue, et à 35 ans, j'ai eu la chance que mon téléphone sonne. J'ai fait trois albums qui ont marqué les gens. J'étais où il fallait pour dire ce qu'il fallait. Mais à mon corps défendant, je n'en ai fait que trois. Je suis incapable de pren-dre un stylo et de me dire : Je vais écrire. Je crois que c'est pour ça que les gens m'apprécient. Ils ont décelé une cohérence entre le personnage et ce que je fais " raconte -t-il. Concernant l'évolution de sa musique, Idir rappelle qu'elle change au gré de ses déplacements spatiaux temporels, ainsi que de ses expériences personnelles. " Nous sommes les enfants de l'Indépendance. Tu grandis avec l'idée d'un pays qui a réussi sa révolution, qui est le phare du tiers-monde, nous recevions les chefs rebelles d'Afrique et d'Amérique latine… Nous étions aussi fiers de cela que nous étions brimés dans notre propre culture maternelle (berbère, ndlr). Fatalement, il fallait une révolte. Ma chanson est venue de là. Si ça n'avait pas été par la musique, cela l'aurait été d'une autre manière" révèle t-il en ajoutant, qu'au départ, " mon premier disque était un peu kabylo-kabyle. Le deuxième s'est enrichi de rencontres, d'autres racines. Il était plus musical. Puis il y a eu Identités… J'ai compris au fil du temps qu'il fallait que je formule ce que je charriais. Je suis arrivé à un moment où la France m'a donné ses libertés d'expression, elle m'a accompli". S'agissant de la problématique de l'intégration et celui des politiques français à l'égard de ces questions, Idir souligne que ces politiques sont " dans une indifférence splendide. Ils me font penser aux Romains qui, lorsqu'ils voulaient un territoire, traçaient un cercle autour. Ils s'enfermaient alors à l'intérieur, dans leur confort, et se faisaient une idée de l'extérieur. Ce confort culturel et cultuel les autorisait à faire des raccourcis du type : de toute façon ces gens sont comme ça. Alors comment les hommes politiques pourraient-ils comprendre en 2007 ce qui arrive à leurs concitoyens et ce qui les détruit " relève t-il encore. Dans l'une de ces chanson qui s'intitule, Lettre à ma fille, Idir place une mère se demandant si sa fille est heureuse comme elle a été élevée dans le respect des traditions et d'un Islam rigoriste. Elle se demande si elle a ainsi élevé sa fille pour son bien ou pour " faire comme les autres ". A ce propos le chanteur explique : " Ce qui est dit à travers ce texte est : Je vous offre une musulmane qui se débarrasse pour une fois de ses dogmes et se met à nu pour vous. Voyez, elle est comme vous. Seul son vêtement est différent ". Le texte est de Grand corps malade. C'est rare d'être aussi juste quand on parle de quelque chose qui ne nous est pas propre. " précise-t-il. Dans France des couleurs, Alger survole l'Algérie, " car elle fait aussi partie de l'histoire de la France " révèle-t-il.