Beaucoup de nos immeubles sont sales, mal entretenus et repoussants. Mais a-t-on idée des querelles de clochers mettant dos à dos les locataires et les copropriétaires d'une part et les concierges et syndics de l'autre ? Si les premiers se défendent bien de leur droit et exigent un cadre de vie « assez propre et convenable », les seconds, en revanche, maugréent et s'accusent mutuellement de « bras cassés » et de « profiteurs ». Les assertions et sous entendus des uns et des autres ne manquent pas. Confession d'un couple de concierges depuis 26 années dans le même immeuble : « Nous en avons marre de nous faire traiter de vieux ringards par une bande de gamins de seize ans, en train d‘essuyer leurs baskets sur les escaliers fraîchement nettoyés. Si tu laisses faire, tu n'as pas fait ton boulot et ce sont les locataires et les copropriétaires qui vont te tomber dessus. Si tu rouspètes et que tu appelles au civisme, tu te fais engueuler par le syndic qui crie au laisser-aller. » Le manque flagrant d'hygiène, les boîtes aux lettres décrochées ou défoncées, l'absence de volonté affichée par les parents locataires ou copropriétaires, sont autant d'arguments qui pèsent lourdement dans le constat dressé par cet autre concierge. Selon les tempéraments, on manifeste plus ou moins de « doigté ». Comme le dit notre interlocuteur qui en est pourvu : « On peut me qualifier de vieux fou, ça ne me dérange pas. » Mais d'incident en incident, on finit par s'user et on craque. Pullulement des rats Il a suffi d'une altercation entre un concierge et deux locataires pour que ces derniers se retrouvent à l'hôpital, avec deux blessures au visage et le premier cité avec une côte brisée. Au chapitre des défaillances, la liste est longue. A défaut de minuterie, celui ou celle qui s'aventure pour la première fois dans un quelconque immeuble, peut toujours chercher la sonnette de l'ami ou du parent, sur laquelle il doit appuyer. Les rares vide-ordures datant de l'ère des vestiges sont bouchés, le pullulement des rats qui n'ont plus peur de l'homme et qui vous narguent, les amoncellements de détritus devant les portes d'entrée. Le malentendu date de plusieurs années et plonge ses ramifications dans un contexte purement organisationnel. « Sur le terrain, la qualité de la coopération dépend en premier lieu du degré de civisme des locataires et des copropriétaires », résume ce responsable de l'unité générale de service (UGS) qui est chargée de l'organisation et du suivi de l'entretien des immeubles. Selon notre interlocuteur, le problème ne semble pas se poser outre mesure, du moment que l'appréciation en matière de rétribution des concierges est laissée aux locataires. Or, quand on sait que ces derniers ne versent aucun centime au concierge, l'on peut aisément imaginer le pourquoi de la situation actuelle de nos immeubles.