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Réconciliation, violence et déficit amoureux
Publié dans El Watan le 03 - 11 - 2004

Les incidents qu'a connus, ces derniers jours, la ville de Ghardaïa n'ont rien de singuliers, parce qu'ils auraient pu se produire dans n'importe quelle autre ville de notre vaste pays. Ces émeutes sont la conséquence inévitable de la situation déplorable que vivent nos jeunes dans nos villes de l'intérieur.
Ces explosions sociales, sous les formes les plus diverses, traduisent un problème sérieux qui exige une stratégie appropriée à l'échelle nationale. Dans le contexte algérien, il est assez facile d'aborder en termes intellectuels les questions qui se rapportent au domaine du public, à savoir le travail, l'habitat et les problèmes sociaux, même il n'est pas évident de toujours trouver des solutions pratiques aux problèmes posés. Mais quand le problème se pose en termes privés : le rapport au désir, à la violence, au sexe, c'est encore moins évident. Dans notre société, on ne parle jamais de la sexualité et des problèmes affectifs ni à titre individuel intime encore moins à la télévision. A l'intérieur de notre pays, on rencontre par rapport à cette question, une immense pudeur, notamment de la part des jeunes filles. Non seulement parce qu'on craint d'en parler, mais il n'y a pas de mots pour le dire. On n'a pas eu affaire à des gens qui parlent facilement de leur sexualité, c'est un sujet tabou. Alors, ils s'expriment autrement. Comment peut-on, ou pas, être amoureux en Algérie, quand on a vingt ans ? Les jeunes n' arrivent pas à être amoureux aujourd'hui. S'ils y arrivent, c'est de manière relativement symbolique ; il y a un problème très sérieux autour des relations amoureuses en Algérie. Pourquoi cette difficulté à être amoureux ? Il y a bien sûr un climat général, social, qui fait qu'on a du mal à s'engager affectivement, à dire « je t'aime » à quelqu'un, mais aussi les jeunes ont un mal immense à se projeter dans une relation duelle. A avoir un rapport de l'un à l'autre, de soi au différent, à l'inverse, ces jeunes ont du mal à stabiliser leur comportement affectif. Cela n'a rien à voir avec la libéralisation des mœurs. Contrairement à ce qu'on pense, il n'y a pas de misère sexuelle, elle est juste restreinte. Par contre, je pense qu'il y a une immense misère affective, un certain dépit amoureux. Dans le temps, même, dans une société archaïque, non permissive et répressive, où l'espace des femmes était interdit aux hommes et vice-versa, il existait des relations amoureuses traditionnelles du monde rural. Aujourd'hui, ce monde défait son mode de fonctionnement. Par conséquent, les rapports amoureux également. On a donc de plus en plus de mal à stabiliser un rapport amoureux dans un rapport social, qui est lui-même défait. Premier constat et de première analyse, qui reste à confirmer, c'est l'existence d'un malheur amoureux en Algérie. Y a-t-il un lien entre la violence individuelle ou collective des jeunes et le déficit amoureux ? Effectivement, parmi les jeunes émeutiers, il y a certainement au-delà des principales préoccupations collectives qu'ils expriment des déficits amoureux dans leur vie personnelle, des carences affectives. Il y a une relation qui est, je dirai, même très forte, dominante entre un désert affectif et amoureux et la tentation de violence collective ; c'est très frappant, le désert affectif correspond à une logique de violence, de nihilisme, de désespoir collectif. On assiste à de très grandes violences dans notre société, on est dans une situation où les comportements individuels ne sont plus raisonnables, ni traduits en termes intellectuels, culturels ou collectifs. C'est chacun pour soi. Je ne veux pas brosser un tableau dramatique, je veux simplement dire que ces jeunes vivent des situations affectives qui ne sont pas très brillantes, qu'ils ont du mal à entrer dans des rapports amoureux plus classiques, avec un engagement individuel dans un rapport personnel avec quelqu'un d'autre. Je ne négligerai pas les énormes ravages que font auprès des jeunes le chômage et la galère. Ceux-ci n'ont aucune satisfaction concrète. Le système éducatif n'est pas stimulant. Les travaux offerts sont ternes et bureaucratisés. La vie culturelle est éteinte, la vie sexuelle restreinte. Les loisirs sont peu nombreux ou inexistants. Très peu de rêves et pas de produits pour les engendrer. Rêver pour un jeune est comme jouer pour un enfant. C'est thérapeutique. Le fait même de rêver est indispensable. Un jeune que l'on priverait de ses rêveries éveillées, risque la mort psychique. Peu importe, le contenu du rêve, et peu importe sa réalisation, l'essentiel est de rêver. Dans ce sens, j'ai l'impression qu'il y a, dans ce domaine, une totale déconnexion entre les discours officiels, encore très marqués par les partis politiques, les mosquées, ce qui est permis à dire, et ce qui ne l'est pas, les journaux, etc., et un autre discours celui des jeunes, qui au fond n'est peut-être pas un discours mais un non-dit. Le discours dominant, celui des institutions, des gens qui ont les moyens de s'exprimer, reste très prudent, alors que l'autre discours n'est jamais prononcé. Il y a un décalage réel entre le discours public et le vécu privé des jeunes, même par rapport à des politiques publiques, officielles, à tout ce qui est mis en place dans nos villes de l'intérieur. Il y a toujours un décalage entre ce qui est dit par les institutions et ce qui se pratique sur le terrain, et entre ce qui est fait et ressenti par les jeunes. Si nous voulons savoir ce qui se passe dans ces villes, nous découvrons que la manière dont les jeunes parlent de ce qu'ils vivent n'est jamais traduite d'une manière politique ou institutionnelle. A partir de là, on peut extrapoler en disant que s'il y a aujourd'hui entre autres, violence dans ces villes, ce n'est pas un hasard, c'est parce qu'il y a un décalage entre les discours et les pratiques politico-administratives et institutionnelles, d'une part, et d'autre part le vécu personnel et quotidien de ces jeunes, que la reconnaissance de ce qui est dit n'existe pas. Cela dit, nous observons seulement qu'il y a une distance énorme entre ce qui est dit et ressenti, et ce qui est traduit politiquement. Il est tout de même inquiétant ce décalage entre ce qui est exprimé par nos jeunes et le discours public officiel. Pour nous qui sommes des citoyens, et à ce titre, nous ne sommes pas tout à fait indifférents à ce qui se passe. Toutefois, les problèmes des jeunes, que j'ai cités plus haut, ne sont plus tout à fait des problèmes privés, puisqu'ils appartiennent au domaine du public, dès qu'il s'agit de violence. Comment introduire du public dans du privé et vice-versa ? C'est très difficile, surtout lorsqu'on a affaire à des jeunes qui ont du mal à exprimer autre chose que ce qu'ils ressentent sur le moment, le moment précis de l'urgence. Cela nous pose des questions centrales auxquelles les pouvoirs publics devraient trouver des réponses : comment rendre compte de la parole d'habitants, des citoyens, des gens qui vivent des situations dramatiques. Comment introduire leur parole dans les discours et dans les pratiques publiques ? Je sais que ce n'est pas non plus facile, parce que la frontière n'est jamais nette entre le domaine privé et le domaine public, mais il y a urgence à trouver des solutions. Réfléchir à une meilleure articulation de l'école, de la formation et de l'emploi des jeunes, il faudrait réfléchir comment manifester le souci de considérer les jeunes comme ils sont, de les accueillir en les reconnaissant dans leurs attitudes et leurs comportements spécifiques. Il faudrait des messages envers les jeunes, un peu plus positifs, personnels, affectifs, touchant un peu plus les gens dans ce qu'ils ressentent. Ne soyons surtout pas pessimistes, le meilleur est à venir, et l'Algérie de la réconciliation suppose une prise de conscience sociale de la part de chacun de nous, cela suppose aussi, une certaine ouverture sur les autres, sur ceux marqués par le sentiment de perte, de défaite, de destin raté, sur ceux qui subissent aussi la violence du silence imposé. Chaque Algérien a une mission au sein de la société pour lutter contre toute violence. A cet égard, je suis convaincu que par sa seule existence, la réconciliation aura prouvé quelque chose. Elle aura donné une leçon de méthode à tous ceux qui ont prôné le changement, elle aura illustré la voie d'une démarche véritable de bien vivre ensemble. Une démarche qui rompt avec le bavardage et qui bouscule les habitudes.
(* Sociologue).


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