La nouvelle a vite fait le tour de la ville de Ghardaïa : la visite du chef du gouvernement prévue aujourd'hui est attendue. La population veut à tout prix que les plus hautes autorités du pays constatent de visu l'étendue et la violence de la catastrophe, le nombre de disparus (une cinquantaine) ainsi que les conséquences sur la population et surtout la désolation à laquelle celle-ci a été livrée durant les trois jours qui ont suivi les inondations. Ghardaïa : De notre envoyée spéciale Hier en fin de matinée, le corps d'un jeune homme a été retrouvé grâce à l'équipe cynophile de la Protection civile au quartier El Ghaba, à la sortie de Ghardaïa, alors que deux autres avaient été repêchés dans la soirée de vendredi dernier. Les moyens lourds de l'armée et des autres institutions de l'Etat ainsi que ceux des privés ont commencé à ouvrir les accès fermés depuis mercredi 1er octobre. Trois jours et trois nuits dans l'angoisse et le dénuement. Le sentiment d'abandon ne fait que grandir. L'aide arrivée en quantité considérable est en grande partie encore stockée au niveau de l'aéroport de Ghardaïa ou dans la salle omnisports de la ville. Une véritable désorganisation a fait que seule l'aide collectée par les citoyens a pu être distribuée. Une situation inexplicable dans la mesure où Ghardaïa reste la wilaya la plus organisée et la plus représentée à travers ses structures communautaires, ses associations de quartiers, son Croissant-Rouge implantés dans les coins et recoins de la ville. La catastrophe naturelle a malheureusement mis en avant une autre catastrophe, cette fois humaine. Ou le plan Orsec n'existe pas, ou il faut croire qu'il n'a même pas été mis en branle et dans les deux cas, c'est la population sinistrée, estimée à plus de 3000 familles, qui en pâtit. Les aides acheminées sont tellement mal gérées qu'elles ne trouvent même pas d'ouvriers pour les décharger, ou encore des listes de bénéficiaires à qui les distribuer. Des situations kafkaïennes nous surprennent chaque jour. Par exemple, à la salle omnisports, l'aide est déchargée puis rechargée manuellement une seconde fois, au lieu d'être expédiée directement aux sinistrés. A l'aéroport, ce sont les engins qui font défaut et les camions attendent des heures pour charger. Un dysfonctionnement que le président du Croissant-Rouge, Hadj Hamou Benzeguir, présent sur les lieux, n'a pas manqué de confirmer : « La non-distribution des quantités considérables d'aides parvenues des wilayas limitrophes démontre qu'il y a un vrai problème. Nous sommes l'organisation la plus structurée à Ghardaïa et nous n'avons pas été impliqués dans la gestion de l'aide. Nous ne pouvons pas intervenir directement du fait de notre statut d'auxiliaire de l'Etat. Nous ne comprenons pas pourquoi les autorités ne nous ont pas impliqués, nous, en tant que Croissant-Rouge, mais aussi les organisations communautaires de la région. Il est important de savoir que rien ne peut se faire sans la communauté locale. » M. Hadj Hamou a mis l'accent sur l'élan de solidarité né des appels lancés par les radios locales. « Toute la communauté, dont beaucoup de membres sont structurés au Croissant-Rouge, a bougé pour déclencher une vaste opération de collecte de dons à travers l'ensemble du territoire national. L'aide récoltée est considérable et elle a pu être distribuée rapidement dès les premiers moments qui ont suivi la catastrophe. Ce qui a évité à la population un autre drame humanitaire, cette fois parce que l'aide de l'Etat n'a commencé à affluer que vendredi et hier. » Le président du CRA a précisé que son organisation a fait appel à une dizaine de spécialistes de la gestion des catastrophes « qui sont déjà sur le terrain » et a installé des cellules de crise au niveau de l'ensemble des communes touchées par les inondations. « Dans des situations pareilles, il faut tout de suite installer des postes de commandement de crise pour faire face aux urgences. Ce qui n'a pas été le cas à Ghardaïa. La population sinistrée a besoin de manger et de boire. Elle a besoin de réconfort et de la présence de l'Etat. Ce qui a fait défaut durant ces trois jours », a-t-il ajouté, précisant néanmoins que les choses ont commencé à évoluer hier, soit trois jours après les pluies de mercredi dernier. Le constat des dégâts est toujours au stade provisoire, car de nombreux quartiers sont encore inaccessibles. Si l'électricité a été rétablie dans une partie de la ville, la distribution du gaz et de l'eau potable reste très timide. De nombreux magasins ont rouvert dans les villes, mais beaucoup n'ont pu le faire du fait des dégâts qu'ils ont subis. Les provisions alimentaires de première nécessité ont pu être livrées par des commerçants des wilayas limitrophes. Mais de nombreux établissements scolaires n'ont pu ouvrir leurs portes aux élèves.