La population du petit village de Si Djillali Benamar, 70 km à l'extrême ouest du chef-lieu de la wilaya de Tiaret, est spontanément sortie de sa réserve, samedi dernier, pour réclamer de la manière la plus pacifique « son droit » à l'alimentation en eau potable. Une préoccupation rendue encore plus pressante par ces temps de canicule, ce qui a amené le blocage, pour quelques heures, de la route nationale 91 reliant le village à Mascara. Des citoyens âgés de 29 à 41 ans qui, n'ayant rien trouvé à faire après de longues années passées à se rouler les pouces et à compter le nombre de nouveaux riches, ont voulu ainsi se distinguer en déposant de la pierraille sur la chaussée pour réclamer plus d'eau. Le spectacle pour inédit qu'il fut a amené illico - presto les gendarmes qui ont usé d'une ou de deux charges de gaz lacrymogène. Les autorités locales, après l'arrestation des insurgés contre l'ordre établi et leur présentation devant la justice pour « troubles à l'ordre public », n'ont bien sûr pas tardé à réagir en fustigeant de la manière la plus sèche la sortie des « 250 jeunes de Si Djillali Benamar ». Dans un communiqué officiel, le wali qui venait de recevoir, dit-on, une délégation (est-elle représentative ?), hausse le ton, allant jusqu'à qualifier la sortie de ces citoyens de douteuses sinon « pourquoi n'ont-ils pas dénoncé les abus liés au piquage illicite sur le réseau d'AEP » et surtout « pourquoi l'APC n'a-t-elle rien fait pour enrayer les fuites estimées à 3 046 litres par jour et qui, à elles seules, auraient atténué la pression liée à l'alimentation en au potable », a noté la même source. Les autorités rappellent que « depuis 2002 à 2006, la population de cette commune a bénéficié de pas moins de 445 aides au logement ». Une localité foncièrement rurale destinataire, ajoute la même source, d'une enveloppe de 80 millions de dinars pour l'adduction de l'eau potable à partir du barrage de Benkhada. Une infrastructure qui, soit dit en passant, aux 3/4 envasée et ne dispose que de quelques 6 à 7 millions de mètres cubes sur les 40 théoriques, en plus du forage de « deux puits qui rentreront en fonction d'ici… 4 mois ». Au-delà donc de la colère, des réponses aussi bien sécuritaires qu'administratives, le silence des élus reste, lui, à deviner, à quelques encablures de la fin de mandat des assemblées élues. Certaines d'entre elles ne se sont jamais préoccupées des doléances des citoyens. La colère, au lieu de générer des solutions médianes, semble tourner en défaveur des protestataires. L'ADE est exhortée de prendre en charge la gestion de l'eau en lieu et place de l'APC, de faire acquitter les citoyens de leurs factures de consommation, jusque-là jamais honorées, de récupérer les créances estimées à plus de cinq millions de dinars et surtout « de mettre en place d'une commission d'enquête pour déterminer ceux qui concouraient par leurs actes à piller l'eau sans contrepartie ». La leçon de Si Djillali Benamar, à bien des égards, reste à méditer…