L'homme aime soigner son image. Son bureau également. La pièce en bois sombre, derrière sa maison, une dépendance, à Hydra, est un sympathique capharnaüm où livres, disques et portraits s'empilent dans un certain ordre. A peine le pas de porte du bureau franchi, Mohamed Hilmi met au défi quiconque aurait conservé, comme il l'a fait, le répertoire complet de Mohamed Hilmi depuis sa première pièce diffusée en 1949. Les archives de ce comédien, tourné vers la production et l'écriture, touchent encore d'autres aspects de l'historiographie artistique de la capitale. Il se retourne pour tirer d'une armoire une revue de presse datant des années 1930 dans un très bon état de conservation. L'épais cahier a été tenu avec une singulière attention par Mahieddine Bachtarzi, du nom duquel l'Opéra d'Alger, qui tient lieu de Théâtre national algérien, est baptisé. Après ce détour imposé par le passé, c'est une réflexion sur le peu de cas que l'Etat fait de ses archives, Mohamed Hilmi nous explique enfin le pourquoi de son invitation en cette soirée du Ramadhan. Le comédien annonce ses adieux à la comédie musicale. « J'espère et je souhaite que le 1er tour de manivelle de mon film coïncide avec mon 55e anniversaire d'activité artistique », écrit-il dans un manuscrit préparé à la hâte. L'écriture y est fine mais contrariée. A ce propos, Hilmi confiera : « Je compte pour la circonstance annoncer ma décision concernant la prise en charge de mon répertoire et des précieux archives de ma bibliothèque... avant de rejoindre mes aînés et mes collègues disparus » Houa oua Hia (lui et elle), titre de l'ouvrage qu'il voudrait être sa dernière facétie du genre, est un long métrage de 2h15, « strictement humoristique, dans une conception moderniste » qu'il entend tourner avec le concours de l'Unique, la télévision nationale. « J'écarte toute connotation politique, mais mon film véhicule des messages sociauses », lance-t-il. Telle est la marque de fabrique de ce comédien qui s'inquiète. Passé récemment à une émission de la Radio algérienne, Mohamed Hilmi s'attache aux appels téléphoniques de ses admirateurs qu'il a reçus, comme un reproche de ne pas trop apparaître. Il garde en bon archiviste qu'il est la cassette sur laquelle sont enregistrées les marques de sympathie d'auditeurs « des quatre coins du pays ». Si certains contestent au comédien son talent humoristique, Mohamed Hilmi croit fermement à l'appel de son public. L'homme, dans les plis impeccables d'un complet sombre, cravate pourpre, ne peut s'empêcher de ramener, cycliquement, sa main droite pour frotter une mèche sur le côté. Touche du doigt le cadre de ses lunettes. « Je voudrais leur dire que ce n'est pas une démobilisation », lance-t-il solennel. Il parle comme protégé par son aura de vétéran de l'activité artistique. Il débute comme comédien dans la compagnie arabe de l'Opéra d'Alger avant l'indépendance et écrit des pièces radiophoniques et une douzaine de comédies musicales pour la radio et la télévision, avec quelques contributions pour le cinéma. Cinquante-cinq ans plus tard, avec la sortie en février 2004, coïncidant avec le jour de son anniversaire, de son dernier livre Le Passé du présent, paru aux éditions Casbah, Mohamed Hilmi confectionne sa fin de carrière. Pour 2005, il envisage encore la réalisation d'une pièce écrite en vers, une adaptation libre de La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils.