Safy Boutella, compositeur, arrangeur et producteur, donnera ce soir, un concert événement, une nouvelle création intitulée Zarbot (la toupie), au Théâtre de Verdure d'Alger. Une rétrospective de 30 ans de carrière artistique. Déjà 30 ans de carrière artistique au compteur... Oui ! Mais ce n'est pas à cause du compteur qui a bien marché que j'ai décidé de faire une anthologie ou un concert. Ce n'est pas pour cela. J'ai réalisé ce projet parce que je me suis dit : Mes disques ne se vendent pas, ici (en Algérie, ndlr), cela fait longtemps que je ne me suis pas produit dans mon pays ; à peu près 17 ans. J'y ai donné des spectacles mais je n'ai pas joué sur scène. Donc, j'ai décidé de donner un concert et en même temps je voulais tourner une page. Quand vous regardez dans le rétroviseur de votre carrière, vous vous dites quoi ? J'ai fait du bon boulot ? Oui, sincèrement, c'est ce que je me dis. Lors de la préparation de ce concert Zarbot (la toupie), c'est en recensant tout ce que j'ai réalisé, et ce, pour le dossier de presse, que j'ai pris conscience de l'importance de sa teneur. Mais, je regarde rarement en arrière. Donc, je vais de l'avant. Au bout du compte, je trouve que j'ai réussi des choses par rapport à d'autres, moins bonnes. Oui, quand je retourne en arrière, je me dis, non pas que je suis satisfait de ce que j'ai fait mais j'en suis assez fier quand même. Le concert Zarbot, que vous donnez ce soir, à l'origine s'intitulait Baraka... Pourquoi ce changement ? Parce que je voulais le faire en dehors des circuits étatiques et dates symboliques. Non pas par mépris. Mais pour prouver à soi et à tout le monde qu'on peut organiser des concerts tout seul. Comme les milliers de concerts autonomes donnés à travers le monde. Cependant, ce concert s'intitulant Baraka, je n'ai pas pu le monter pendant deux ans (2005 et 2006). Faute de baraka, j'ai voulu appeler ce concert « barakat » (assez, c'en est assez, ndlr).(Rires). Et puis, ce concert a été reporté. Il était prévu pour le mois de mai. Alors, comment a germé l'idée du concert Zarbot ? En avril, j'ai été faire un tour à La Casbah d'Alger en compagnie de ma sœur et une amie. C'est en voyant des enfants jouer à la toupie au milieu d'une placette que l'idée a germé du concert du Zarbout. Cela m'a rappelé mon enfance et ça m'a touché. Votre manège à vous... Exactement ! Alors, j'ai approché ces enfants qui m'ont montré leurs prouesses ludiques avec la toupie. Ils m'ont tellement attendri que je suis revenu les voir pour les filmer. Et quand la toupie tourne, c'est de l'énergie. Et c'est exactement comme cela que j'ai vécu. En tournant dans le monde, le monde entier, en ouvrant les yeux et les oreilles. C'est de la synergie ! D'ailleurs, les toupies seront le fil conducteur de mon spectacle. Zarbot, c'est une rétrospective résumant votre carrière... Exactement ! Du coup, je suis un zarbout. Un électron libre... Un électron libre qui tourne, ramasse, se construit et apprend. On qualifie Safy Boutella de Quincy Jones algérien... Ah ! Je préfère quand même Quincy Jones que Jean-Michel Jarre.(Rires) Etes-vous conscient d'avoir produit le meilleur album de l'histoire du raï avec Kutché de Khaled ? Kutché est un album qui est toujours classé parmi les 100 meilleurs du XXe siècle. C'est une chose importante. Kutché est une grande date dans l'histoire de la musique raï... Une grande date de la musique algérienne. Il faut savoir qu'au plus fort des années noires du terrorisme, c'est cet album qui faisait parler de l'Algérie. Vous avez produit aussi Amel Wahby et son tube Khiala, Abdy ou encore Djamel Allam... Comment le choix s'est porté sur Nawel Zoghbi pour Layali ? Nawel Zoghbi est venue me chercher parce qu'elle voulait des morceaux qui sonnent un peu raï, latino. Le titre Khiala a boosté la carrière d'Amel Wahbi. Il est resté plus de 5 mois au sommet des hit-parades en Egypte. Reverra-t-on un jour le duo Safy Boutella-Khaled ? Ah, peut être. Cela pourrait être bien. Inchallah, on peut le faire. Revenons un peu sur cette nouvelle trajectoire dans votre carrière... Je parle de tournant après ce concert. Parce que j'ai envie d'aller chercher mon vrai moi. C'est-à-dire... Le vrai moi, ce sera un autre son, une nouvelle inspiration. C'est aller vers beaucoup plus de simplicité. Moi, je veux simplifier mon langage. C'est-à-dire être plus proche de mon vrai moi, de ma vérité. Quand j'ai fait Kutché et Majnoun, c'était ma vérité. Je veux faire mon son personnel. Les gens s'imaginent que je suis le spécialiste des grands spectacles. Je ne suis pas cela du tout. Ce sont des opportunités qui se sont présentées. Ce son personnalisé est-il pop, maghrébin... ? Je peux vous dire qu'il sera pop, jazz, rock... Plus dur en tout cas. Parce que mes colères n'ont jamais été véritablement évacuées. Et puis, plus poétique, simple et intime. Votre pedigree filmique est très prolixe : Cheb, Little Senegal, Salut Cousin... Oui, plus de 75 musiques de film. Actuellement, je réalise celle du film de Brahim Tsaki. Qu'est-ce qui vous branche dans la musique actuelle ? Tous les gens qui créent. Par exemple... Dans le rap, j'aime bien Lotfi Double Kanon. Franchement, j'adore ce qu'il fait, la façon de placer et poser ces lyrics (texte). J'apprécie Gnawa Diffusion dans l'esprit, Karim Ziad dans un autre registre. J'aime les gens qui inventent, quoi !