«Je dédie ce concert à mon père, celui qui m'a appris la conscience, l'amour de l'art et la droiture..» dira l'artiste au long cours, déroulé comme un éclair... Mercredi 24 juillet. Une note de fébrilité dans le ciel. Les gradins du Théâtre de verdure se remplissent tout doucement. Sereinement. 22h, c'est enfin le moment tant attendu où le concert de la star Safy Boutella, qui n'a pas joué sa musique à Alger depuis quelque temps déjà, peut commencer. De l'émotion dans l'air. Le concert s'ouvre par la lecture de versets du Coran. Une entrée mystique. Un recueillement par respect, sans doute, à la mémoire de son père décédé, récemment. Et c'est place à l'innocence. Des enfants entrent en scène, des toupies à la main. Symbole au concept original de cet événement, à la lourde logistique...Arrivent les musiciens. Faire défiler 30 ans de carrière musicale, jalonnée par une centaine de compostions musicales, toutes disciplines confondues (films, spectacles, compostions pour d'autres artistes..) n'est pas chose aisée. Il aura fallu un choix ardu et beaucoup de travail derrière. En effet, la scène du Théâtre de verdure, accueille 35 musiciens de différentes nationalités. Cordes, violon, percussion, flûte, mandole, basse, guitare, Un mélange d'instruments divers, entre Orient et Occident...pour arriver à ce résultat: une musique divinement belle et profondément émouvante. «Gravement» humaine comme l'est ce musicien au regard sombre. Ce compositeur incarne bien son nom...Le concert s'ouvre par ce fameux morceau de l'album, Mejnoun, classé à sa sortie, en 1988, dans les 10 meilleurs albums jazz de l'année par le quotidien l'Humanité. «Je dédie ce concert à mon père, celui qui m'a appris la conscience, l'amour de l'art et la droiture...» dit Safy ému. Devant son pupitre et son arsenal de matériel sonore, Safy chante et manie avec brio l'harmonica. Des déclinaisons de musiques de films suivent. On notera Djaouhara (originale de Salut Cousin réalisé par Merzak Allouache), et aussi un extrait du film Quotidien de Lakhdar Hamina. Et d'annoncer Abdy le Marocain pour lequel Safy a signé les compostions de Bladi et Chalini. Mirka de Rachid Benhadj (1999) est présent grâce à la chanteuse lyrique soprano, Fadila Chebab. Une voix d'opéra pour la première fois au Théâtre de verdure...sous la direction du maestro Boutella et une section cordes dirigée par Laetitia. L. Un ange traverse le ciel! La «folie» artistique revient avec Khmous alik puis un extrait du film Destins. Changement d'atmosphère. Un ensemble de danseurs, dirigé par le chorégraphe Habib Tata; monte sur scène au rythme de la transe de Boutella in le spectacle Watani. Et Safy d'annoncer l'arrivée d'un poète, un homme libre et juste. Il s'agit de Djamel Allem dont Safy lui a signé les compositions de son dernier album. Il interprétera notamment Iffireles. Safy Boutella enchaîne avec Tristesse et puis Sud avec trois choristes. Le ciel d'Alger continue à s'éclairer. Les nuages se dissipent. La voûte du ciel se colore, dense et saturée. Le son s'en ressent par moment...La fureur dégaine son armada de riffs et bagarres mélodiques devant la bataille orchestrée entre les bons et les méchants du spectacle La source. Des images projetées de part et d'autre sur écran, nous renvoient en 2001, date de la tenue de ce magnifique spectacle au stade du 5-Juillet...L'apaisement vient de la voix de Selma Kouiret qui interprète Watani, tout de blanc vêtue. Quelques notes pianotées, et nous reconnaissons immédiatement Chebba de Khaled. Un extrait de Kutché qui célèbre les 20 ans de cet album. Une collaboration fructueuse entre Khaled et Safy Boutella. (un album, classé à sa sortie, dans les 100 meilleurs albums du XXe siècle selon FNAC-le Monde.) Le King aussitôt arrivé, le public se déride un peu. On ose se lever pour danser. La Kamel, titre festif et énergique comme l'envol d'une toupie -notre morceau fétiche à vrai dire-. (déjà interprété par chikha Rimiti) nous plonge carrément dans l'Algérie des années fastes de 1980, à l'époque de l'ouverture de l'Oref, dirigé jadis, par le colonel Hocine Senouci que Safy appelle sur scène pour le remercier...Un autre moment fort de La Source est décliné, cette fois, entre jazz ravissement et plénitude, bercé par quelques vagues de fraîcheur nocturne...Sourire est dédié à sa fille, Sofia, enchaîne le pas vers cette danseuse à la renommé, désormais internationale, connue et reconnue par tous. Le père, en retrait, laisse se produire Sofia tout de noir vêtue, comme lui...Les bons ont gagné...mais La source, Boutella est loin d'être tari. Ce n'est qu'un au revoir. Tous les artistes reviennent sur scène pour entonner une dernière fois Djaouhara avec Djamel Allam dans un tour de chant amical et artistiquement fraternel qui donne à voir un étonnant chemin parcouru...Un riche parcours où l'on aura aimé qu'il s'étale en heures...Mais comme on dit: toute bonne chose a une fin. Inscrit dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe», ce concert organisé dans des conditions pas toujours roses, rappelle combien il est difficile de monter des projets d'une telle envergure dans ce pays. Une gageure et une vraie prouesse pour Safy Boutella qui a su tenir sa promesse. Q'en est-il aussi pour ces autres projets engagés par ledit commissariat de cette année et, notamment cette future salle de spectacle? Djamel Allem qui nous affirmera être venu en ami, avant tout, pour soutenir l'artiste Safy Boutella, a raison de demander au ministère de la Culture qu'on cesse d'accomplir des «miracles» pour faire des choses «de façon normale...». Car ce n'est pas demander la lune que de vouloir, pour notre pays, des concerts de qualité comme vient de l'asséner Safy Boutella, malgré les quelques aléas du live...