Le deuxième jour de la visite du président Bouteflika à Mostaganem aura été consacré en grande partie au secteur de l'AEP et de l'hydraulique. Dès les premières heures de la matinée, le cortège présidentiel, escorté dans le ciel par des hélicoptères, s'ébranlera à vive allure vers les lointaines contrées du Dahra où a été érigé le barrage Kramis. Mostaganem. De notre correspondant D'une capacité de rétention de 45 millions de mètres cubes, cet ouvrage confié à l'entreprise italienne Astaldi retient actuellement près de 23 millions de mètres cubes, dont 5000 sont quotidiennement traités et mis à la disposition de la population de la région grâce à l'installation d'une station monobloc prêtée par la wilaya de Tipaza. La nouvelle station, dont les travaux ont été lancés à l'occasion de cette visite, devra traiter journellement 25 000 m3, soit 9 millions de mètres cubes par an, à répartir entre les 200 000 habitants de cette zone à population éparse et rurale qu'il sera coûteux de raccorder à l'AEP. La délégation se rendra également sur les principaux sites du complexe MAO. Au niveau du barrage de Kerrada, situé à 200 m d'altitude, c'est le chantier du barrage éponyme qui recevra la délégation. Prévu pour stocker l'eau du Chéliff, ce barrage aura une capacité de 155 millions de mètres cubes qui lui seront fournis à partir du barrage de dérivation de Beni Ifren (50 millions de mètres cubes), mais qui devrait réguler pas moins de 150 millions de mètres cubes sur les 500 millions que véhicule l'oued Chéliff. L'ouvrage, en phase finale, malgré des retards enregistrés dans sa réalisation, imputés au groupe allemand dont le contrat aura été résilié par l'ANBT en janvier dernier, sera mis en service avant la fin 2008. Des occultations inexpliquées La station de pompage, sans laquelle l'eau ne pourra être envoyée ni au barrage de Kerrada ni à la station de traitement de Sidi El Adjel (commune de Oued El Kheir), d'une capacité journalière de 800 000 m3, soit 9,5 m3/seconde, aura également attiré l'attention du président de la République. Construite par une entreprise turque, cette station constitue la pièce maîtresse du complexe MAO. C'est de là que l'eau récupérée sera refoulée vers le barrage de Kerrada et la station de traitement de Sidi El Adjel, dont la capacité est fixée à 560000 m3/j et qui sera transportée grâce une canalisation longue de 90 km jusqu'aux abords immédiats d'Oran. Cependant, dans cette région essentiellement agricole, il a été constaté que durant cette visite, ce volet important de l'activité économique locale n'aura pas été abordé. Cette amnésie apparemment volontaire dénote d'un certain désintérêt pour l'agriculture que les fellahs ont beaucoup de peine à expliquer, car il est de notoriété que, sans le développement de l'agriculture, il n'y a pas de développement durable. Comme il est généralement convenu, du moins dans des contrées voisines et par conséquent partageant des similitudes agro-pédologiques, hydrologiques et météorologiques, qu'une grande quantité de l'eau régulée ou soutirée de la nappe sert à l'irrigation des surfaces agricoles. Généralement, une quote-part qui peut atteindre, voire dépasser les 80% de l'eau mobilisée est destinée à l'agriculture. Force est de constater que, hormis les 4000 ha qui sont en projet grâce à l'eau de Kramis, il n'a été nulle part question du développement de l'irrigation à l'intention de l'agriculture. Dans une région où la pluviométrie persiste dans une inquiétante irrégularité, alors que les apports ne permettent même plus d'entretenir une agriculture de subsistance, il n'est pas normal que le déplacement du premier responsable du pays ignore aussi froidement un secteur essentiel de l'économie nationale. Des fellahs de la région de Bouguirat – connue jadis pour ses oranges et ses grenades – ne cessent de réclamer la levée de l'interdiction des forages pour l'agriculture. N'est-ce pas dans ces contrées que sont régulièrement mis au jour des connivences coupables entre des puisatiers sans scrupules et des fellahs dont le seul tort est d'aimer le travail de la terre, au point de braver les interdits et de tenter de contourner les obstacles afin d'accéder au précieux liquide ? Comment les convaincre que dans une wilaya qui produira – tous ouvrages confondus – près de 300 millions de mètres cubes par an, il n'y a aucune place à une agriculture moderne et performante dans laquelle l'irrigation occupe fatalement une place cardinale ? En plus de l'agriculture et son corollaire l'irrigation, des projets, comme les ports de Salamandre et de Sidi Lakhdar, dans lesquels le pays aura investi lourdement, n'ont pas été intégrés dans le programme présidentiel. Une omission lourde de conséquences sur l'activité de la pêche, notamment lorsque l'on apprendra que plus de 38 chalutiers encombrent sans vergogne le vieux port. Une situation d'extrême tension qui pourrait relancer la protesta chez les armateurs et les marins pêcheurs. D'ailleurs, au complexe du MAO, plus de 300 travailleurs manuels avaient organisé un sit-in pour dénoncer le non-paiement de leur salaire par l'employeur. N'était la vigilance des services de sécurité, qui avaient réussi à les contenir, ces ouvriers manuels avaient la ferme intention de bloquer le cortège présidentiel. La visite devrait également se traduire par la pose de la première pierre de l'unité de dessalement de l'eau de mer d'une capacité de 200 000 m3/j. Abdelmalek Sellal, ministre des Ressources en eaux, il justifie cette initiative par l'impérieuse nécessité de prémunir l'Oranie contre les effets conjugués de la rareté de l'eau et du réchauffement climatique. Questionné sur le prix de l'eau à la consommation, le ministre dira que le soutien de l'Etat sera maintenu jusqu'à la fin de l'année. Bien avant l'entrée en production des unités de Mers El Hadjadj qui produira 500 000 m3/j pour Oran et celle de Mostaganem dont la production devrait encombrer, pour longtemps, le paysage.