Le directeur de la rédaction du journal tunisien online Kalima, Omar Mestiri, est convoqué demain jeudi 2 août par le tribunal de première instance de Tunis pour répondre d'une plainte pour diffamation déposée par l'avocat Mohamed Baccar. Selon la femme de M. Mestiri, la militante et avocate Sihem Bensedrine, contactée par téléphone, et le communiqué de l'Observatoire pour la liberté de presse, d'édition et de création (Olpec) paru sur le web, la plainte repose sur un article (http://www.kalimatunisie.com/article.php ?id=289) publié le 5 septembre 2006 dans Kalima où Omar Mestiri informe de la « réhabilitation surprenante » de l'avocat Baccar, réputé selon l'Olpec proche du pouvoir, et qui était radié du conseil de l'Ordre pour avoir été condamné à plusieurs reprises pour faux et escroquerie dans un jugement définitif. M. Mestiri avait été entendu le 29 mars dernier par le parquet de Tunis qui a centré son interrogatoire sur la source qui lui a permis de prendre connaissance de cette réhabilitation et non sur la véracité des faits prétendument diffamatoires et qui sont de notoriété publique, a indiqué l'Olpec. La réhabilitation de l'avocat Baccar, selon cette ONG, a été gardée discrète par les autorités. Omar Mestiri a refusé, le 29 mars, de dévoiler ses sources devant le magistrat, s'appuyant sur son droit en tant que journaliste. Ses avocats avaient soulevé la question de la base juridique de la poursuite, sachant que le site de Kalima est bloqué en Tunisie et que la diffusion n'a, par conséquent, pas pu avoir d'élément matériel en Tunisie, de même que la prescription des faits. Mais le juge chargé de l'enquête, Zied Souidane, a répondu qu'il disposait d'un fax où est reproduit l'article en question. Quant à la prescription, le magistrat a rétorqué que du moment que l'article figure encore dans les archives du site, il considère que le délit est continu ! Le magistrat, en revanche, a quasiment ignoré la déclaration de M. Mestiri quand ce dernier a expliqué qu'il disposait de preuves de ce qu'il a affirmé (plusieurs jugements définitifs condamnant l'avocat Mohamed Baccar pour faux et escroquerie) et qu'il est prêt à les fournir. Omar Mestiri risque, si la charge est retenue, entre un et trois ans de prison. A rappeler qu'il est coauteur, avec Sihem Bensedrine, de L'Europe et ses despotes (Ed. La Découverte, France, 2004), qui dissèque les pratiques de la dictature tunisienne de Zine El Abidine Ben Ali, le président soutenu par les démocraties européennes. En Tunisie, selon Reporters sans frontières, « les journalistes indépendants ou d'opposition sont empêchés de travailler par tous les moyens ». « Surveillés et harcelés, leur liberté de mouvement est chaque jour un peu plus restreinte », ajoute RSF qui précise que la politique du président Zine El Abidine Ben Ali en matière d'internet est l'une « des plus liberticides de la planète ». L'ensemble des cybercafés sont contrôlés par l'Etat. Ces derniers filtrent le net et sont étroitement surveillés par la police.