Chaque été, Souk Ahras a son lot de misères, et l'on est loin de l'époque où il y faisait bon vivre pendant cette période de l'année. Augmentation du chômage et boom démographique aidant, l'antique Thagaste perd ses repères, et ses artères principales croulent sous le poids de ces foultitudes de jeunes qui arpentent, désœuvrés et sans objectif précis, les rues commerçantes de l'ancienne ville, ou s'installent tout simplement à proximité des magasins les mieux achalandés. Les cafés bondés deviennent insupportables par ces temps de canicule, alors que les terrasses sont pratiquement squattées par les malades mentaux et les mendiants. Idem pour les trottoirs, transformés depuis belle lurette en espaces commerciaux où l'on étale pain, produits laitiers, jouets, effets vestimentaires et autres objets hétéroclites, parfois difficiles à identifier. Des axes, aussi importants que la rue Benbadis et celle de L'ALN, sont évités pendant les heures de pointe par les automobilistes à cause de la densité de la population et l'anarchie qui y règne. Même les piétons trouvent du mal à s'y frayer un chemin pour passer d'un bout de la rue à un autre. Hormis les fêtes familiales, aucune manifestation culturelle ou touristique n'est venue égayer les habitants de Souk Ahras, et les espaces réservés pour les familles ne se comptent même pas sur les doigts d'une seule main. La déliquescence du pouvoir d'achat et les multiples compressions des effectifs, conjugués aux factures salées de Sonelgaz et autres, ont privé une bonne partie des citoyens du semblant de vacances qu'ils pouvaient se permettre, il y a seulement quelques années. Casaniers, cette fois-ci malgré eux, ces derniers se rabattent sur la télévision, leur unique moyen d'évasion. L'on parle pourtant de Singapour, de Hong Kong, de Boston, comme certains parleraient de M'daourouch et Sedrata. Les nuisances sonores commencent à partir de 20 heures. Des salles des fêtes sont improvisées dans la majorité des quartiers résidentiels, et l'usage démesuré des haut-parleurs oblige les citoyens à rester éveillés jusqu'au petit matin. Aucune salle n'obéit aux normes à Souk Ahras, et l'insonorisation du lieu, telle qu'exigée par les textes désuets certes mais toujours en vigueur, n'est jamais respectée par les propriétaires. Les habitants de Souk Ahras, épris naguère d'animation et de voyages, semblent définitivement résignés à subir les effets de la paupérisation, du marasme culturel devenu chronique et d'une ville dortoir qui suffoque.