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La crème glacée fait des émules en Algérie
Immersion dans l'univers du fondant et de la fraicheur
Publié dans El Watan le 23 - 08 - 2007

Que peut bien valoir un été sans crème glacée ? C'est un bon plat sans assaisonnement qui peut paraître appétissant au regard, mais qui au goût est sans saveur.
C'est dire que l'industrie de la glace a toute sa place dans ce magma environnant, où prendre une glace est synonyme d'une goutte de fraîcheur dans un désert aride. Jamais un mets n'a été autant un objet de fascination et de convoitise. Cela frôle même, chez certains, l'obsession. Pour les enfants, les adultes, les jeunes et les vieux, la vue d'une coupe glacée ou d'un cornet rempli de boules est un fantasme qui parle aux sens, faisant instantanément écarquiller les yeux et saliver comme un appel à goûter au plaisir destiné à éteindre une braise. Sa fraîcheur, son fondant, ses arômes et ses parfums sont un hymne destiné à égayer le palais en saveur et en douceur. Comme dirait Proust :« Toutes les fois que j'en prends, temples, églises, obélisques, rochers, c'est comme une géographie pittoresque que je regarde d'abord et dont je convertis ensuite les monuments de framboise ou de vanille en fraîcheur dans mon gosier. » Il est d'ailleurs conseillé de ne pas percevoir ce produit frais comme seulement un rafraîchissement mais comme un dessert qu'on peut déguster et apprécier tout au long de l'année et pas seulement en été. Le consommateur algérien devra attendre encore avant d'acquérir cette habitude de déguster la glace comme dessert, très prisée sous d'autres cieux pourtant moins gâtés en ensoleillement. L'industrie de la glace en Algérie s'en accommode pourtant et au lieu d'amener le consommateur à changer d'habitude, c'est elle qui s'adapte aux coutumes alimentaires des Algériens en tournant à plein tube ses machines seulement durant l'été. Les industriels y trouvent bien leur compte. Les retombées financières dépassent largement le poids de l'investissement, nonobstant du faible niveau de consommation de l'Algérien qui reste un petit amateur de glace, comparativement aux Américains et Européens, qui atteignent des niveaux annuels de consommation très importants. Le marché de la glace en Algérie représente une moyenne approximative de 25 millions de litres de crème glacée produite par an. Une faible production si on compare avec un Américain qui consomme une moyenne de 14 kg de glace par an, contre un peu plus d'un kilo pour l'Algérien. Une industrie balbutiante, mais en constante progression Les Algériens les plus friands de crème glacée demeurent les gens de l'Ouest, notamment les Oranais, qui attirent tous les producteurs de glace. Il est utile de souligner, toutefois, que cette région ne compte aucune usine de crème glacée. Ils sont plus d'une trentaine de « glaciers » qui ont tenté la création de l'industrie de la glace en Algérie. Une industrie qui est jugée par les spécialistes de débutante, mais qui croît dans le sens de la maîtrise de l'outil de production et de l'évolution de la gamme des produits. Un peu partout sur le territoire algérien, des usines font leur apparition, essayant de diversifier la gamme de produits proposés à la consommation. D'Alger à Batna, de Tizi Ouzou à Tlemcen, en passant par Béjaïa, Skikda et Mostaganem, l'industrie de la glace fait son bonhomme de chemin pour répondre en été à une demande de plus en plus croissante. « On est loin ,toutefois, d'avoir une industrie à l'occidentale où les usines sont automatisées. En Algérie, tout le monde est en train d'apprendre, il y a ceux qui apprennent vite et pensent à la qualité, comme il y en a qui pensent plus au gain qu'à la qualité du produit », estime Rafik Larbi, directeur commercial de la société Danimex spécialisée dans la fourniture de matières premières entrant dans la fabrication de la glace (matières grasses végétales, stabilisants, arômes et émulsifiants, lait en poudre). Le même responsable note que le temps finira par faire la décantation qui s'impose dans le secteur où seule la qualité sera l'élément de durabilité d'une marque. Il faut savoir aussi que ce secteur porteur n'est pas un grand créateur d'emplois. Le plus grand nombre d'employés dans les glaces sont des saisonniers et ne travaillent que durant la pleine saison estivale. Les emplois permanents ne dépassent pas une moyenne de quarante. Le fait de n'ouvrir que durant la saison estivale justifie ce manque d'effectif. Il est utile aussi de savoir qu'il n'existe pas de réglementation spécifique pour la fabrication de la glace. Il suffit d'avoir un registre de commerce et un bon capital financier pour se lancer dans ce marché. Cette absence de textes de lois a permis à des personnes, qui n'ont rien à voir avec le métier, de s'impliquer dans la fabrication de glace. Heureusement qu'il existe des industriels, dont l'objectif est de proposer un bon produit aux consommateurs.
« L'état doit exiger un laboratoire dans chaque usine »
Pour Rafik Larbi, connaisseur de ce marché, il est utile que les pouvoirs publics surveillent de près les conditions de fabrication de la glace, l'existence d'un laboratoire d'analyses dans une usine étant primordiale. Ils se comptent sur les doigts d'une seule main ces opérateurs consciencieux qui associent hygiène et qualité. « La crème glacée est un produit très sensible, l'hygiène est une condition obligatoire, le contrôle doit s'accroître en ce sens, l'Etat devrait exiger l'existence d'un laboratoire d'analyses dont le prix d'installation est loin de représenter un grand sacrifice financier de la part du fabricant », nous dit-il. Selon une estimation globale, si l'installation d'une usine oscille dans les 30 milliards de centimes, celle d'un laboratoire équivaut à seulement 10 millions, c'est un investissement dérisoire en termes d'engagement financier, mais qui apporte à la qualité la norme que l'Etat se doit d'exiger. Rafik Larbi tire la sonnette d'alarme, en soulignant que la sensibilité du produit peut provoquer, si les conditions d'hygiène ne sont pas respectées, des dégâts importants sur la santé publique. « S'il n'y a pas de grands cas d'intoxication liés à la glace jusqu'à aujourd'hui, c'est juste le fait du hasard. L'Etat doit sévir », nous dira-t-il. Notre interlocuteur ,qui exerce son métier avec amour, relève un autre cas de non-respect de l'hygiène porteur de graves conséquences sur la santé publique. Il s'agit des machines à bras qui existent un peu partout dans les petits commerces et qui sont assimilables à des machines bactériologiques. « Ces machines sont généralement non pasteurisées et déversent l'eau transformée en glace dans un récipient peu hygiénique. Ils sont vraiment rares ceux qui pasteurisent leurs machines, c'est un risque réel sur lequel les pouvoirs publics devraient aussi se pencher afin d'éviter toute atteinte à la santé des consommateurs. Je refuse qu'on attende que l'irréparable arrive pour qu'on réagisse après. Autant prévenir que guérir », note notre interlocuteur. La fabrication de la glace répond à l'utilisation de matières premières importées, qui sont à la fois les arômes, la matière grasse, les édulcorants et les stabilisants et même le lait en poudre, tout provient des marchés extérieurs. Selon notre expert, le contrôle à ce niveau-là aussi reste un peu défaillant. « Danimex est un importateur qui importe les produits de la Malaisie et du Danemark, en suivant un processus de conservation en respectant les normes. Il se trouve toutefois que certains commerçants indélicats vendent la matière première sans justifier de la traçabilité du produit. Venant de je ne sais d'où, elle est vendue à des grossistes qui la revendent à leur tour dans des conditions effroyables sous le soleil, à des prix dérisoires et les achètent sans factures. Malheureusement, certains fabricants de glace s'approvisionnent de ces endroits-là avec tous les risques que cela puisse provoquer », dira M. Larbi. Il est heureux de constater que depuis quelques années les fabricants de glace ont investi dans la livraison de leurs produits très sensibles aux fluctuations de la température. La chaîne de froid est le maillon crucialement important à préserver pour que la qualité n'en soit pas affectée. Les producteurs arrivent à acheminer le produit jusque chez le détaillant afin d'éviter que ce dernier ne la transporte dans des conditions de non-respect de la chaîne de froid, qui est la garante à la fois de la qualité du produit et de la santé du consommateur. Encore faut-il vérifier si le commerçant n'use pas de malice en économisant sur le temps de congélation à son niveau.


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