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Un bonheur aquatique dans l'anarchie
Alger. Plage de Palm Beach
Publié dans El Watan le 28 - 08 - 2007

Palm Beach connaît une affluence importante. Cette plage est devenue la destination prisée de citoyens venus de l'intérieur du pays. Ce sont de simples estivants et même des saisonniers, qui y ont trouvé leur gagne-pain. Des émigrants clandestins sillonnent, eux aussi, cette plage de l'ouest de la capitale. La sécurité demeure l'un des points forts de cette plage qui s'est « popularisée » au fil du temps, au grand dam de quelques gérants. Des mesures d'hygiène ont été prises sans pour autant convaincre les plaisanciers.
Réservée auparavant aux seuls privilégiés, Palm Beach attire beaucoup de gens. Depuis peu, cette plage, à l'ouest de la capitale, est devenue la destination prisée par les gens venus de l'intérieur du pays. Malgré un été que d'aucuns qualifient de « pourri », les estivants s'entassent sur cette bande de sable que l'on voit se rétrécir au fur et à mesure qu'avancent ces pavillons construits à la hâte ces dernières années. Si l'on y accède en venant de Staouéli, on remarque une chose : l'endroit est ceinturé par les Darkis, toujours prompts à interpeller les automobilistes imprudents. Des palmiers qui ont fait la réputation de ce lieu, point de trace. En bordure de la route, des déchets jonchent l'entrée de la plage. Plus loin, des eaux glauques d'un égout se déversent jusqu'au bord de la plage. Nous dépassons ce spectacle désolant que l'on retrouvera ailleurs. Une autre vue s'offre à nos regards : des familles venues de partout, campent ici. Des jeunes de Bab El Oued jouent à proximité des chalets de la Protection civile installés à l'entrée de la plage. Finies pour eux les criques interdites à la baignade de Bab El Oued et même celles de la Pointe Pescade.
La cour… de récréation
« Je préfère venir ici », nous lancera « Moh khouya », comme aiment à l'appeler ses copains, une chambre à air usée à force d'avoir trop servi à la main. Ces amis, tous brûlés par le soleil, s'impatientent de faire la cour, selon eux, aux filles. « On dit que les filles sont plus abordables de ce côté-ci », lance, un tantinet rigolo, Amine, sous les huées de ses copains. « Quand on est sans le sou, il n'est pas indiqué de venir ici. Sans notre ami qui habite à Staouéli, moi je resterai ‘'fel houma''. » Le transport vers ces plages, si proches et si lointaines à la fois, est un problème. « Cela nous coûte très cher. On ne profite pas assez de nos journées, puisque souvent nous sommes obligés de retourner chez nous, avant que les bus bleus de l'ETUSA disparaissent. » Des aoûtiens préfèrent eux aussi mettre le cap sur cette plage, « où l'on ne rencontre pas trop de soucis » « Il y en a, mais il est facile de les gérer. Sauf si vous voulez entrer dans des complexes qui vous feront payer rubis sur l'ongle », lâche ce Sétifien pure souche. Ahmed a l'habitude de bivouaquer du côté de Jijel. Il en est autrement cette année « en raison des restrictions budgétaires qu'il s'est imposées ». « Un cousin, ayant rejoint sa femme niçoise, nous a loué sa maison pour pas cher. L'affluence de l'année dernière sur la corniche jijelienne m'a dégoûté de ces endroits, pourtant très cotés ».
Baptême… d'eau
Ce qui ne manquera guère d'attirer les regards également à PB, pour les habitués, c'est la profusion de tables et autres chaises en plastique, qui ont remplacé les chaises longues que ne peuvent se permettre tous les baigneurs. « On se croirait dans une salle des fêtes », lancera, tout sourire, l'un des jeunes qui proposent à des prix « abordables » ces chaises. « Les gens s'y retrouvent », assure-t-il. Tout au long de la semaine, des bus de transport privé déversent une flopée de gens sur cette plage. Il y a aussi ceux qui viennent à pied de Staouéli qui est toute proche. On y rencontre des enfants venus également du grand Sud et des Hauts-Plateaux. Les pas hésitants, ces enfants ne se soucient pas de l'ambiance des alentours. Les moniteurs s'activent à leur faire découvrir la grande bleue qu'ils n'ont jamais vue. Ayant senti le filon, des jeunes, venus pour beaucoup d'entre eux de l'intérieur du pays, sillonnent les plages de cette côte ouest. Les seuls à en pâtir sont les commerçants du coin. Une vendeuse de glaces nous affirmera que « les familles préfèrent ramener leurs victuailles de chez eux ou acheter pour pas cher chez des vendeurs ambulants qui sont légion ici ». L'un deux, venu de Blida, propose ce qu'il appelle les « pariou » (entendez par là paréo), vendus à 400 DA. Il dit avoir accompli des études de droit qui ne lui sont « d'aucun secours ». Il avoue aussi regretter d'avoir passé le CAPA à la Faculté de droit de Ben Aknoun. « Le soir, il fallait se plier en quatre pour qu'un fils à papa en bagnole me ramène chez moi. C'était dur mais il fallait s'y faire, sinon, je n'aurai pas pu rentrer chez moi », déplore-t-il. « Je ne connais pas encore les résultats. Je préfère rester ici, gagner ma journée plutôt que débourser encore de l'argent, j'en ai déjà dépensé pas mal depuis que je me suis inscrit à la fac de Droit. Je ne gobe toujours pas le fait d'avoir déboursé un million de centimes pour un diplôme qui ne me sera d'aucune utilité », lance-t-il. Mais ces jeunes saisonniers ne peuvent accéder dans des endroits « réservés », selon eux, à la seule nomenklatura. « Pourtant, on nous a annoncé en début de saison qu'il n'y aurait pas de concessions. Mais qui se soucie des lois de la République que bafouent ceux qui les ont promulguées au pied levé ? », s'indigne-t-il. Rencontré plus loin, un Boussaâdi raconte toutes les misères que lui font les gérants de certaines plages privées, souvent lieu de prédilection d'une certaine jeunesse dorée des hauteurs de la capitale. Avec la hargne de celui qu'on a touché dans son amour-propre, il avoue que « les gérants des complexes touristiques ne les laissent pas entrer dans leurs “précarrés respectifs”. Je ne m'y fais pas. Mais je crains pour ma vie. on ne sait jamais ». Les slogans racistes durant l'époque de l'Etat colonialiste reviennent comme une rengaine, rappelant les drames qu'ont vécus « les Indigènes » de la région, à qui il était interdit de mettre les pieds dans les endroits réservés aux seuls « petits blancs ».


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