Au programme de la Mostra de Venise, figure un film biographique sur Bob Dylan : The live and times of Bob Dylan, de Todd Haynes. Poète, musicien, chanteur de folk, de blues et de rock and roll, Bob Dylan a marqué sur plus d'un plan la vie artistique américaine. Sa personnalité est faite de plusieurs tendances. Le réalisateur a pris, donc, six acteurs différents pour l'évoquer. Il a voulu être Arthur Rimbaud, Billy Thekid, Woody Gunthric. Il changeait tout le temps et même à une certaine période, Bob Dylan s'est fait passer pour un prêcheur évangéliste. Il est vrai qu'il chantait cette complainte magnifique : The Time the are changing. Cela dit, le film de Todd Haynes est un peu raté. Le cinéaste américain a fait le choix radical, et mauvais, à notre avis, de faire comme une sorte de magazine fourre-tout qu'on feuillette, une illustration un peu fade et superficielle de la vie de Bob Dylan. Bob Dylan est un artiste très peu académique, très inventif, une imagerie de magazine ne convient sûrement pas à sa vie. Un récent film sur Ray Charles donnait une image forte, crédible du chanteur. Ce film sur Bob Dylan ne laisse qu'une forte déception. Au programme aussi, le film : C'est un monde libre, de Ken Loach. Ken Loach cite Gladstone qui disait que l'Angleterre était la fabrique du monde. Les Anglais fabriquaient (comme les Chinois, aujourd'hui) une impressionnante quantité de produits très divers qu'ils vendaient dans le monde entier. Aujourd'hui, dans le « monde libre », le travail est fait par des ouvriers venus d'Ukraine, de Pologne et de Roumanie. Les ouvriers anglais se sont intégrés au libéralisme et ce sont eux, maintenant, qui exploitent (férocement) les travailleurs étrangers. Toute l'équipe du film de Abdelatif Kéchiche débarquée au Lido pour la présentation de la Graine et le Mulet (ce titre indique seulement le couscous au poisson à la tunisienne) semblait ravie de l'accueil fait au film à la Mostra. C'est une œuvre à la hauteur du talent aujourd'hui reconnu de Kéchiche, qui a fait du chemin depuis qu'il a joué dans le film de Abdelkrim Bahloul : le Thé à la menthe. Comme Tariq Téguia, l'an dernier, Kéchiche s'en sort avec une mention bien. Son film est un grand moment de cinéma. Un ouvrier du port de Sète, qui en a marre de travailler pour un patron hideux, récupère un vieux bateau poussiéreux pour en faire un restaurant. Une joyeuse galère commence, mêlée de tristesse mais pas de désespoir. La réussite de ce film tient au travail sur le langage, sur la langue. Tout se passe autour du verbe, des mots. Kéchiche filme les réparties à une vitesse éclair comme le débit des mots lui-même, très rapide. Parfois, ça vire au spectacle, à l'overdose. On touche du doigt là ce qui a fait la réussite, l'originalité des films de Kéchiche comme l'Esquive. Le récit part dans tous les sens, dans des digressions sans fin mais Kéchiche garde la maîtrise de l'affaire. En fait, il s'agit simplement du mythe de l'émigré qui a réussi, passant par tous les stades de l'esclavage moderne pour, finalement, créer son propre business. Une histoire pas si simple qui bascule dans une grande émotion.