Cinéma n Bob Dylan renaît à la 64e Mostra, dans l'intrigant et virtuose I'm not there de Todd Haynes. Multiforme et déroutant, ce film, le premier à évoquer la vie du légendaire chanteur folk américain avec un parti pris original : l'incarner en plusieurs acteurs différents, dont une femme. Le film «inspiré par la musique et des multiples vies de Bob Dylan» selon l'inscription liminaire, débute avec l'image du corps du chanteur allongé sur une table d'autopsie, avant de suivre ses multiples incarnations, sous les traits du jeune Marcus Carl Franklin, puis de Ben Wishaw, Christian Bale, Heath Ledger, Richard Gere et... Cate Blanchett. Dylan, qui n'apparaît jamais sous son propre nom, est d'abord un petit orphelin noir en fugue dans les années 1950 au Missouri, qui chante les poignantes chansons qu'il compose à la guitare, puis un «Arthur Rimbaud» hirsute, interrogé face à la caméra par la police. Suivent notamment un ex-chanteur devenu prêcheur dans les années 1980, un musicien égoïste qui, dans les années 1970, néglige l'amour de sa femme peintre (Charlotte Gainsbourg) et en guise d'épilogue, un solitaire qui vit dans une forêt bientôt rasée pour faire place à une autoroute, à une époque inconnue. Mais les scènes les plus marquantes de cet intrigant kaléidoscope de plus de deux heures sont celles où une Cate Blanchett androgyne prête ses traits à Dylan, dans une reconstitution psychédélique en noir et blanc des années 1970. Le film passe constamment d'un personnage, d'une époque et d'une photographie, d'un genre (documentaire, fiction, émission télé...) à l'autre avec une fluidité, une fantaisie et une créativité visuelle inouïes et évoque avec humour et au second degré, quatre décennies de l'histoire des Etats-Unis. I'm not there explore ainsi les multiples facettes d'un artiste aussi doué qu'insaisissable, qui sut mieux que quiconque exprimer la protestation de la jeunesse américaine dans les années 19660, et en fait un archétype du rebelle. «La Graine et le Mulet» n Ecrit et réalisé par le Français Abdellatif Kechiche, ce film a fait une entrée fracassante hier dans le palmarès compilé par Ciak, le magazine du festival, devenant le film favori des critiques et du public. Celui-ci porte un regard chaleureux sur une famille franco-arabe d'origine modeste, dont le père, vieil ouvrier licencié par les chantiers navals de Sète, décide d'ouvrir un restaurant sur un bateau. Servi par le jeu bouleversant d'acteurs non professionnels – Habib Boufares, Hafsia Herzi – La Graine et le Mulet dépeint avec délicatesse et humour les liens complexes entre Slimane, le père, séparé de sa femme, ses cinq enfants, sa nouvelle compagne et la fille de celle-ci, la fière et loyale Rym. La place de la communauté franco-arabe dans un contexte économique tendu en France, est finement analysée par Kechiche, auteur de La faute à Voltaire, qui reçut le Lion d'or de la première œuvre en 2000.