Le jour où ils ont été délocalisés vers l'espace du quartier d'El Hamri, faisant face et au stade Ahmed Zabana et au parc d'attraction, les marchands de vêtements usagés pensaient qu'ils allaient disparaître. Ils ont eu tort. Lentement mais sûrement, le marché de la friperie est arrivé à attirer les visiteurs ; et les commerçants à se faire une clientèle composée aussi de personnes qui ne sont pas vraiment dans le besoin. Certains clients arrivent dans des voitures dernier cri, à la recherche de vêtements griffés, lesquels, « même usagés, sont de qualité meilleure que ceux fabriqués localement ou de contrefaçon importés de pays asiatiques », affirme un jeune client rencontré sur les lieux. Ces dires sont confirmés par un fripier de plus de 70 ans, qui nous a déclaré qu'il exerce cette activité depuis l'adolescence. « Il est des ballots- surtout ceux importés d'Italie- qui renferment des habits neufs », affirme-t-il. Les vêtements passés de mode sont pratiquement cédés au même titre que les vêtements usagés. Avant, on ne recevait que des chiffons usés jusqu'à la corde, des jeans surtout en provenance d'Angleterre ou même d'Amérique, que personne n'achetait. Aujourd'hui, avec l'opulence que connaît l'Europe, des fabricants et des grands magasins jettent des produits neufs, surtout les vêtements pour enfants. Car ces derniers grandissent vite et ne portent pas assez longtemps leurs costumes pour les user. Justement, on est à la veille de la rentrée scolaire et beaucoup de parents se dirigent vers la friperie, sans fausse honte aucune, avec la quasi certitude de tomber sur un vêtement de marque célèbre, à un prix pouvant défier toute concurrence, malgré l'appétit démesuré de certains fripiers qui tiennent la dragée haute au client dont l'enfant jette son dévolu sur un « body » ou un « panta-court » portant une griffe. Cette situation, bien évidemment, n'est pas pour plaire aux commerçants du neuf, qui désespèrent en voyant leur stock rester à la même place. Certains vont jusqu'à parler de « concurrence déloyale » ( ?), d'autres vont jusqu'à invoquer la menace qui pèse sur la production locale, le risque de fermeture de certaines fabriques de vêtements, les pertes d'emploi… Devant cette situation, un jeune diplômé de l'université d'Oran, reconverti dans le commerce de la friperie et qui ne s'en plaint guère, a déclaré : « ce sont les règles imposées par l'économie du marché. L'offre et la demande reste la seule et unique loi qui régit ce système. »